Les interventions en séance

Energie
01/06/2011

«Proposition de loi, visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique»

M. Claude Biwer

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, à l’instar de Michel Teston, de saluer le public présent dans les tribunes et le féliciter de sa patience. Cependant, j’arrêterai là la comparaison car, contrairement à notre collègue, je ne juge pas les textes que nous examinons au nombre de manifestants ou de visiteurs ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Notre assemblée examine aujourd’hui trois propositions de loi visant à interdire la recherche et l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels. Je tiens, avant d’entrer dans le vif du sujet, à saluer l’apport de l’Assemblée nationale, qui a distingué, d’une part, la technique d’exploration et d’exploitation et, d’autre part, l’exploitation elle-même. Mais c’est bien la technique de la fracturation hydraulique qui semble poser le plus de problèmes. En effet, on exploite depuis longtemps en France des hydrocarbures conventionnels, notamment du gaz dans le bassin aquitain et du pétrole en Île-de-France depuis les années soixante, sans que cela entraîne une telle levée de boucliers. Je n’ai pas vu non plus de péréquation financière intervenir pour autant. Pour les hydrocarbures de schiste, autre technologie, je comprends que leur exploitation exige d’être pensée différemment. Pour autant, la discussion ne doit pas prendre la tournure trop électoraliste que nous lui connaissons aujourd’hui. Ce débat est bien un débat national, car la politique énergétique est un enjeu d’ampleur nationale, voire internationale, et non locale. C’est parce que le sous-sol appartient à l’État et non aux propriétaires des parcelles de surface que nous devons envisager les choses autrement que dans certains pays. Souhaitons-nous connaître l’étendue des ressources en hydrocarbures non conventionnels de notre territoire ? Oui, parce que cela a un impact sur l’emploi, sur les finances locales, sur la balance commerciale et sur notre indépendance énergétique. Il serait dommage de fermer la porte à ces opportunités pour importer du gaz de schiste exploité en Pologne, pays où les ressources sont comparables aux nôtres et où, cela vient d’être souligné, les autorisations semblent avoir été accordées. Il serait également dommage de continuer à acheter à Gazprom, à des tarifs élevés, le pétrole ou le gaz dont nous avons besoin. Dans le cas où la France disposerait de ressources, je préférerais que nous consommions un gaz dont les méthodes d’exploitation sont connues et contrôlées. Par ailleurs, souhaitons-nous exploiter d’éventuelles ressources ? Quand on sait que l’importation d’hydrocarbures coûte à la France 45 milliards d’euros chaque année, alors que le potentiel de ressources d’hydrocarbures de schiste représente peut-être 5 000 milliards de mètres cubes, il semble raisonnable, d’un point de vue économique comme géopolitique, d’étudier scientifiquement la question de l’exploration et de définir un cadre à l’exploitation pour protéger l’environnement. L’enjeu, en termes d’indépendance énergétique, est de taille puisque le mix énergétique, à moyen terme, reste tributaire des énergies fossiles. En ces temps où l’énergie est chère, la France doit pourvoir à ses besoins incompressibles en énergies fossiles au meilleur coût économique. L’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels aux États-Unis aurait fait chuter le prix du gaz de 60 % sur le marché nord-américain. Les Américains sont même en train de devenir exportateurs ! C’est la raison pour laquelle nous devons avoir une approche rationnelle et non politicienne de la question. Il est hors de question de condamner les opportunités d’exploitation avant même d’en avoir étudié les tenants et les aboutissants. Or c’est le contraire de ce que font aujourd’hui certains animateurs du mécontentement. Ils agitent l’opinion publique par des campagnes à charge en éludant le caractère scientifique et économique du débat. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.) C’est au Parlement de légiférer, chers collègues ! Je considère qu’il ne faut pas céder au catastrophisme, les aspects négatifs de l’exploitation dans certains pays, comme le montre le film Gasland, n’est pas nécessairement valable dans d’autres et j’ai constaté, moi aussi, que ce film avait bien des aspects négatifs dans sa présentation. Des puits non étanches qui entraînent une pollution des sols, peut-être des nappes phréatiques, ce n’est pas ce que nous voulons en France, et vous le savez bien. Dans notre pays, la réglementation imposant un triple cuvelage des puits est bien plus stricte et sécurisante. Alors qu’en Angleterre, en Suède, en Allemagne, les gaz de schiste ont reçu un accueil favorable, je comprends mal, en dehors du coût environnemental de la fracturation hydraulique, qui est l’élément de base – je le répète – comment la contestation populaire a pu être aussi forte sur la question « globale » de l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels en France, y compris dans la recherche. Je le comprends d’autant moins que ni les conclusions du rapport des députés Gonnot et Martin, ni le rapport final du conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies et du conseil général du développement durable n’ont été finalisés. Et je le comprends encore moins quand on m’assure, dans mon propre département, la Meuse, que le stockage des déchets radioactifs à 800 mètres de profondeurs est sans risque et que nous pouvons les accepter alors qu’une fracturation de la roche à 3000 mètres en serait un et qu’il faudrait prendre mille précautions supplémentaires. Il faut donc remettre chaque chose à sa place dans le débat : l’opportunité en termes de ressources, mais aussi le coût environnemental de leur exploitation. Or la méthode de la fracturation hydraulique pose un vrai problème environnemental, c’est vrai… Mais je l’ai dit d’emblée, au début de mon propos, chers collègues. La grosse consommation d’eau qu’elle exige semble gênante dans l’esprit de certains. Je partage ce sentiment surtout au moment où l’on accuse les agriculteurs de trop utiliser d’eau pour l’irrigation. Il faut en effet essayer de l’économiser. Je crois que nous avons besoin de travailler cette question. Il ne serait pas admissible pour moi de ne pas engager une réflexion sur ce thème. Il est nécessaire de mener des recherches sur d’autres solutions. C’est la raison pour laquelle j’avais déposé, en commission, trois amendements visant à autoriser les forages à des fins de recherche scientifique pour faire évoluer la technique sur ce point et éviter la fracturation. Je remercie d’ailleurs la commission et son rapporteur, Michel Houel, d’avoir soutenu cette initiative et de l’avoir utilement complétée en prévoyant, entre autres, la possibilité de faire des recherches sur des techniques alternatives d’extraction. En effet, il existe des marges de manœuvre pour réduire la consommation d’eau. Par exemple, dans le cas de la fracturation hydraulique, la récupération et l’injection de l’eau saline contenue dans les poches d’hydrocarbures est une méthode qui mérite d’être expérimentée. Il existe par ailleurs d’autres techniques qui ont recours au propane, peut-être au gaz comprimé, peu importe… Mais vous pouvez vous chauffer comme vous le voulez, ma chère collègue ! Ainsi, on injecte, à la place de l’eau, du propane gélifié permettant l’expansion de la roche mère, ce qui est finalement l’objectif de l’opération. L’avantage de cette technique brevetée et expérimentée dès 2007 réside dans le fait que 100 % du propane injecté est récupérable et repart dans les pipe-lines avec le gaz qui l’accompagne et que nous recherchons. Ce sont des perspectives d’avenir, d’autres sont encore à l’étude et nous devons faire confiance aux scientifiques, dont la mission ne manquera pas de déboucher sur des propositions ; c’est ainsi que nous avancerons tranquillement mais sûrement. Si l’on n’y croit pas a priori, laissons au moins l’expérience se faire et nous constaterons les résultats in situ, une fois que les scientifiques auront accompli leur mission et que les contrôles auront été effectués. Nous trouverons alors la solution qui s’impose. Madame la ministre, je partage votre point de vue lorsque vous dites que le principe de précaution, c’est aussi l’évaluation du risque et de la recherche. J’ajouterai – si vous le permettez – que c’est avant tout vers la recherche que doivent porter nos efforts. En tout cas, tel est mon souhait. Ne fermons donc pas complètement la porte comme nous l’avons fait, certainement à tort, au nom du principe de précaution sur des sujets tels que les nanotechnologies ou encore les OGM : triste expérience ! Soutenons la recherche au lieu de la déclarer mort-née. C’est dans la droite ligne de ce principe que le groupe centriste a apporté sa pierre à l’édifice pour élaborer le texte qui est proposé aujourd’hui. Ce texte, nous le défendrons parce que les enjeux économiques et environnementaux sont tels qu’il est de notre devoir de ne céder ni à la pression électoraliste ni au catastrophisme. Ainsi, monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la grande majorité des sénateurs centristes soutiendra le texte de la commission, ouvert à la recherche scientifique sous contrôle de l’État. Dans tous les cas, nous avons conscience que ce débat n’est qu’une première étape d’une réforme de plus grande ampleur du code minier, nécessaire afin que l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures sur notre territoire ne causent pas de dommage à nos populations, à l’environnement ou à nos paysages mais servent utilement la transition énergétique de la France. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)