Les questions

Affaires sociales
Henri Tandonnet 29/04/2014

«La situation du groupe pharmaceutique bms-upsa»

 

M. Henri Tandonnet

Madame la secrétaire d’État, je souhaite appeler votre attention sur la situation du groupe BMS-UPSA et notamment sur le site de fabrication des médicaments à base de paracétamol implanté à Agen, qui est actuellement le premier employeur privé du Lot-et-Garonne et le deuxième employeur de la région Aquitaine. Au mois de décembre 2013, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, a informé BMS de son intention de créer un groupe générique, sans référence, pour le paracétamol. Le département de Lot-et-Garonne est tout particulièrement concerné par le risque que fait courir une telle décision pour l’ensemble des 1 400 employés de l’usine d’Agen, dont 70 % de l’activité est dédiée à la production de paracétamol. En sus des 120 employés du siège de Rueil-Malmaison, plus de 580 personnes sur les 1 400 travaillant à l’usine d’Agen sont directement liées à la production de paracétamol pour la France. Ces dernières seraient donc concernées en premier lieu, ce qui mettrait en péril l’ensemble de l’usine. À cela, il faut ajouter les 3 600 emplois de la sous-traitance. Le site de fabrication d’Agen, dans lequel BMS a investi ces dix dernières années 230 millions d’euros a vu, sur la même période, un doublement de sa capacité de production et de ses emplois. Il est un acteur essentiel du dynamisme du territoire lot-et-garonnais. Bien entendu, il ne faut en aucun cas négliger les efforts à fournir pour diminuer le déficit de l’assurance maladie par la vente de médicaments génériques. Cela étant, pour ce qui nous concerne, il s’agit d’un faux problème, car le paracétamol a toujours été dans le domaine concurrentiel. BMS a constamment été disposé à participer à l’objectif national de réduction des déficits. À la fin de 2013, le groupe a d’ailleurs accepté une baisse de 6,7 % du prix pour 2015, au terme d’une négociation avec le Comité économique des produits de santé, le CEPS. Cependant, les économies souhaitées par l’État pour essayer d’équilibrer les comptes de la sécurité sociale vont avoir d’autres effets extrêmement néfastes pour l’économie du territoire. Alors que l’État ne récupérera que quelques centimes d’euros par boîte, avec un bénéfice incertain, un grand nombre d’emplois seront mis en péril, voire supprimés, et notre capacité à exporter et à rester indépendant à l’égard de cette production ne pourra pas perdurer. Un rapport que nous avons communiqué au ministère montre que BMS-UPSA verse 70 millions d’euros de contribution à l’État et aux collectivités territoriales chaque année et que l’entreprise, depuis votre annonce, a gelé un plan d’investissement d’environ 60 millions de dollars. Madame la secrétaire d’État, cela fait maintenant cinq longs mois que l’entreprise, les salariés et les syndicats sont dans l’attente. Le 6 février dernier, j’ai posé une question d’actualité au Gouvernement sur ce même thème, duquel je n’ai obtenu aucune information claire. Trois mois sont passés, et il me semble qu’un arbitrage est impératif, compte tenu de la gravité de l’impact industriel et des menaces sur l’emploi que cette décision fait peser, aussi bien sur le bassin de vie agenais que sur le tissu économique local. Je souhaite donc, une nouvelle fois, connaître la position et les intentions du Gouvernement sur ce dossier.

Réponse de Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme Touraine, qui s’est néanmoins déjà exprimée sur ce dossier à plusieurs reprises. Votre question touche à la fois à la maîtrise des dépenses de santé, à l’attractivité de notre territoire pour l’industrie pharmaceutique et, bien sûr, à l’emploi.
Dans ce dossier, nous recherchons une solution qui concilie la valorisation des médicaments génériques et l’emploi. Nous recherchons aussi une solution qui tienne compte des exigences de qualité du produit et de pérennité des approvisionnements, car le paracétamol est une molécule utile et efficace, dont, j’y insiste, le remboursement par la sécurité sociale doit être maintenu. Marisol Touraine avait indiqué, lors des interventions auxquelles je faisais référence il y a un instant, que ce dossier serait traité dans le cadre du conseil stratégique de la dépense publique. Le 16 avril dernier, le Premier ministre a présenté le plan d’économies sur les dépenses publiques entre 2015 et 2017. Il a fixé à cette occasion le montant des économies à réaliser sur les dépenses d’assurance maladie d’ici à 2017. C’est un effort ambitieux, mais à notre portée, qui nécessite une action volontaire sur l’évolution des dépenses de médicaments. Le Gouvernement souhaite donc une baisse du prix des spécialités dont le brevet est tombé et qui ne sont pas inscrites au répertoire des génériques. Le paracétamol appartient à cette catégorie et son prix n’a pas bougé depuis 2005. La négociation engagée entre les industriels et le Comité économique des produits de santé doit donc se poursuivre et déboucher sur une baisse de prix plus importante que celle qui a déjà été envisagée. Cette baisse de prix doit être effective au début de l’année prochaine. Le Gouvernement est également favorable à ce que cette démarche soit accompagnée d’une réflexion sur la taille des conditionnements. Faut-il aller au-delà et inscrire le paracétamol dans le répertoire des génériques ? À ce stade, la réponse dépend encore des résultats de l’analyse des observations transmises par les trente-six laboratoires consultés par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. C’est un travail complexe, qu’il faut conduire avec soin, compte tenu non seulement des enjeux de santé publique que cela représente, mais aussi de l’inquiétude des salariés et des élus concernés. Vous connaissez d’ailleurs mon intérêt particulier sur ce dossier, monsieur le sénateur. La ministre des affaires sociales et de la santé le sait, les entreprises ont besoin de visibilité et de temps pour s’adapter : aucune décision sur la « générication » ne sera donc prise à court terme. La réflexion se poursuit dans le cadre d’un travail plus global sur le développement des génériques, axe central du plan d’économies sur l’ONDAM présenté par le Gouvernement.

Réplique de M. Henri Tandonnet

Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse, qui montre que le ministère s’est vraiment emparé de cette question difficile. Jusqu’à présent en effet deux positions contradictoires opposaient le CEPS et l’ANSM. Je voulais néanmoins appeler votre attention sur un point : le problème du générique n’est pas forcément celui du paracétamol, puisque ce dernier a toujours été dans le domaine public et soumis à une forte concurrence. Les différences de prix, d’ailleurs tous réglementés, entre les produits de BMS-UPSA et les médicaments génériques sont donc très faibles. C’est dans la négociation que vous venez d’annoncer que résidera la solution et non pas dans la création d’un groupe générique, qui tendrait à favoriser les pharmaciens plutôt que la sécurité sociale. En effet, la procédure des remises, propres aux médicaments génériques, avantage les distributeurs. Dès lors, s’il y a des gains à attendre, c’est sur le prix tarifé qu’il faut agir. Nous souhaitons désormais qu’une solution rapide soit trouvée, qui apporte de la visibilité à l’entreprise, laquelle a gelé, je le rappelle, un plan d’investissement de 66 millions de dollars, et qui réponde aux préoccupations des salariés et des syndicats, inquiets pour l’emploi.