Les débats

Outre-mer
26/02/2014

«Débat sur la situation des outre-mer»

M. Joël Guerriau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un débat sur la situation des outre-mer fournit l’occasion non seulement d’insister sur leur importance pour notre pays et de défendre leurs atouts – il faut sans cesse les rappeler –, mais aussi et surtout de souligner les difficultés qui sont inhérentes à ces territoires. Ces difficultés sont liées la géographie, à l’éloignement, à l’histoire et à la grande diversité des outre-mer. Dans un souci d’égalité, nous devons veiller à la bonne application des lois en outre-mer et, surtout, à leur bonne adaptation. Cette problématique a un retentissement européen. Si je me réjouis que Mayotte soit devenue depuis deux mois une région ultrapériphérique à part entière, nous devons veiller au respect scrupuleux du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui prend en compte les spécificités ultramarines et nous permet d’adopter des mesures d’aides à l’outre-mer, afin de surmonter les difficultés que je viens de citer. Contraindre les régions ultramarines à adopter des règlements européens ou des lois nationales qui ne seraient pas appropriés à leur situation ne ferait qu’accroître leurs difficultés. Aborder la situation générale de l’outre-mer en quelques minutes est impossible. La situation économique et sociale est toujours délicate ; il est nécessaire d’y prêter une attention particulière. Je me contenterai donc d’évoquer quelques sujets qui me semblent primordiaux, et de vous interroger, monsieur le ministre, sur leur prise en compte par le Gouvernement. Dans un premier temps, j’aimerais aborder les questions relatives à la fiscalité, et, tout d’abord, la problématique des niches fiscales. Avec un déficit de 4 %, supérieur à la moyenne de la zone euro, notre pays est dans une situation financière préoccupante. Le Gouvernement cherche à économiser 53 milliards d’euros dans les dépenses publiques, ce qui représente un effort considérable. Dès lors, je suis inquiet pour les outre-mer et pour les niches fiscales qui les concernent. Un récent rapport rédigé par Éric Doligé et Serge Larcher, au nom de la commission des affaires économiques et de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, démontre de manière extrêmement claire l’utilité des niches fiscales en outre-mer, qu’il s’agisse des investissements locatifs, productifs ou en faveur du logement social. Ce constat vient tordre le cou à l’idée selon laquelle ces investissements ne correspondraient qu’à de l’optimisation fiscale et n’auraient aucune autre utilité. Le travail fouillé du Sénat permet de dégager des pistes de progrès, pour un meilleur encadrement de ces quatre niches. Outre les mesures déjà adoptées dans la loi de finances pour 2014, il faut entendre toute la prudence à laquelle nous invitent les auteurs du rapport, et notamment leur mise en garde contre des réformes trop brutales. Monsieur le ministre, pouvez-vous rassurer le Sénat sur l’avenir de ces niches ? Dans le cadre de la réduction de la dette, savez-vous comment Bercy traitera les départements et autres territoires d’outre-mer ? Le ministère du budget doit envoyer les lettres de cadrage budgétaire à chaque département ministériel en avril. C’est sans doute un peu tôt, mais le ministère des outre-mer a-t-il déjà une idée de ce qui lui sera demandé ? Le Premier ministre a annoncé une réforme fiscale. Là encore, la remise en cause des niches fiscales des outre-mer est possible. Y aura-t-il un volet spécifique les concernant ? Dans un second temps, je traiterai de la question plus générale de la situation économique et des difficultés permanentes liées à la vie chère. Il y a trois semaines, vous avez permis, monsieur le ministre, que les choses avancent sur la question du prix des carburants. Les arrêtés que vous avez signés réforment considérablement la méthode de leur fixation dans les départements d’outre-mer. Ils doivent permettre d’apaiser le climat dans ces cinq départements, en introduisant plus de transparence dans la formation des prix des carburants routiers, et de mieux contrôler les marges des pétroliers. N’oublions pas que la mer est aussi une chance pour les énergies renouvelables, alors que la dépendance aux carburants est très grande. La technologie pour la production d’énergie par les hydroliennes est désormais mature ; nous pourrions en installer des dizaines, à condition de les adapter dans les zones de forts courants entre deux îles. Ces hydroliennes ne rencontrent pas les difficultés d’installation des éoliennes, qui se heurtent à la loi Littoral et courent certains risques en cas de cyclone tropical ou d’entrave à la circulation maritime. On le voit, tout un domaine reste à conquérir pour le développement des énergies éoliennes, hydroliennes ou solaires. Par ailleurs, la baisse des tarifs bancaires fait toujours partie des difficultés rencontrées par les Ultramarins. En Nouvelle-Calédonie, une baisse significative des tarifs de plusieurs services bancaires d’utilité courante – les frais de tenue de compte, par exemple – est prévue au cours de l’année 2014. Du point de vue du développement économique, le Président de la République a fait part de sa volonté de créer un pacte de responsabilité entre l’État et les entreprises. Son objet est naturellement de relancer l’emploi en améliorant l’environnement normatif des entreprises. Il me semble qu’un volet relatif aux outre-mer serait le bienvenu. En effet, ce sont des territoires particulièrement touchés par le chômage, dont le taux atteint plus de 20 % en moyenne. En outre, ils requièrent des mesures spécifiques et des engagements encore plus forts. Afin de faciliter l’installation d’entreprises, il faut un environnement favorable ; cela passe par des infrastructures modernes et de qualité. À ce titre, le développement du numérique est primordial ; il ne faut donc pas oublier l’outre-mer dans le développement de la 4G. J’ai noté que des procédures d’attribution de licences seraient lancées au premier semestre 2014. Vos services, monsieur le ministre, devraient rencontrer les différentes collectivités le 6 mars. Comment cela se prépare-t-il ? Quel taux de couverture négociez-vous ? Ces autorisations vont rapporter de l’argent à l’État ; je pense que les sommes récoltées pourraient être consacrées à l’outre-mer. Naturellement, le premier des leviers économiques pour l’emploi en outre-mer est le tourisme. Dans son rapport annuel présenté le 11 février, la Cour des comptes a pointé les difficultés de ce secteur en Martinique, en Guadeloupe, à La Réunion et en Polynésie, où le tourisme représente respectivement 9 %, 7 %, 2,6 % et 7,7 % du PIB. La Cour souligne en particulier le manque de pilotage des collectivités. Cette crise du tourisme est particulièrement regrettable au regard de la situation des îles tropicales concurrentes, qui sont très dynamiques. La Cour des comptes estime que les interventions des pouvoirs publics sont inefficaces et peu stratégiques. Il est notamment reproché aux collectivités régionales de ne pas suffisamment solliciter les comités régionaux du tourisme pour bâtir de plans stratégiques cohérents. Elle estime également que l’aménagement des sites souffre de « problèmes récurrents : propreté de la voirie, organisation des transports […], manque de parking […], collecte des eaux usées, aménagements des espaces littoraux […] et défaut de signalisation », et que la coordination entre les acteurs publics est insuffisante. En réponse, huit recommandations sont formulées.
Comment le ministère des outre-mer compte-t-il répondre à cette situation ? Comment, en particulier, compte-t-il aider les collectivités à améliorer la coordination, qui fait défaut ?
Les territoires d’outre-mer sont extrêmement divers, mais, à partir de ces situations particulières et parfois difficiles, nous devons développer des filières d’excellence. Je pense, par exemple, à La Réunion et à sa capacité à être un laboratoire de la transition énergétique. On peut développer des modes nouveaux de production d’énergie ; ce sont des emplois dans la recherche et la production qui sont à la clé. Pour conclure, sans avoir épuisé mon temps de parole, j’aimerais vous interroger, monsieur le ministre, sur la réforme en cours du code minier. La bonne gestion des ressources minières profondes concerne l’outre-mer. Quelles sont les pistes de travail ou les propositions de votre ministère dans la vaste élaboration de ce nouveau code ? Dans mon intervention, vous l’aurez remarqué, les questions sont nombreuses : elles reflètent tout l’intérêt que nous portons à l’outre-mer. Je vous remercie donc, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’y avoir prêté attention. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.)