Les débats

Hervé Maurey, Jean-Claude Luche, Pierre Medevielle, Pierre Louault 25/10/2017

«Débat : "Aménagement du territoire : plus que jamais une nécessité"»

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M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat : « Aménagement du territoire : plus que jamais une nécessité », demandé par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Ce débat fait suite au groupe de travail mis en place au sein de notre commission avec Jean-Louis de Nicolaÿ. 
L'aménagement du territoire est devenu le parent pauvre des politiques publiques ; nous en mesurons les conséquences lors des scrutins politiques. La fracture territoriale se creuse. La croissance des métropoles, censée irriguer le territoire, appauvrit les zones les plus fragiles. L'État, lui, reste spectateur. Il est urgent de refonder cette politique.
Quelques recommandations, parmi les 26 que nous avons élaborées. D'abord, l'État doit redevenir stratège, avoir une vision, mesurer l'impact de ses politiques sur l'aménagement du territoire. Il doit poursuivre la simplification des normes, chère à M. Pointereau, développer la contractualisation, rendre plus transparentes et équitables les dotations et subventions aux collectivités.
Il est temps de nous attaquer aux grandes fractures territoriales - numériques, médicales, sociales et autres. Il en va de l'intérêt de notre pays.

Le rapport ne dresse pas un bilan de l'action du Gouvernement mais un état des lieux, il fait des propositions pour redonner de l'élan à la politique d'aménagement du territoire. Nous vous savons sensible, à titre personnel, à ces questions et ne vous faisons nul procès d'intention.
Cependant, je regrette que le Gouvernement ne reprenne pas une seule de nos 26 propositions. Il en est une, pourtant, qui ne coûterait rien : s'intéresser, lors du vote de chaque loi, à son impact sur l'aménagement du territoire. Depuis dix ans que je suis parlementaire, nous avons voté deux lois de santé, loi Bachelot puis loi Touraine, sans jamais poser la question de la répartition des services de soins.
Le plan de lutte contre les déserts médicaux annoncé par le Gouvernement nous déçoit. Nous attendions des mesures courageuses et efficaces, il se résume à de l'incitatif. Une maison de santé sans médecin, quel gâchis ! Le problème n'est pas le nombre de médecins, mais bien leur répartition - sans compter que l'on forme des praticiens hospitaliers plutôt que des médecins de campagne.
Le président de la République a annoncé le haut débit pour tous à horizon 2020, ce qui risque de remettre en cause l'objectif très haut débit pour tous à horizon 2022. Il nous promet la 4G pour tous en 2020. Après l'audition du président de l'Arcep aujourd'hui, je prends le pari que la promesse ne sera pas tenue !
Simplifier les contrats est une bonne idée. Mais il faudrait aussi simplifier la multitude de zonages et de schémas qui empoisonnent la vie des élus !


M. Jean-Claude Luche . - Dans nos départements ruraux, le service public est un élément essentiel. Or il disparaît peu à peu de nos communes et de nos cantons. On le centralise sans anticipation ni concertation. Les services publics s'éloignent des citoyens et leurs employés partent avec leurs familles et leur pouvoir d'achat : c'est toute une vie locale qui disparaît. La moyenne d'âge augmente et les recettes fiscales chutent. Les actions locales sont anéanties, le territoire tout entier perd son attractivité. La France est diverse, il faut imaginer des règles fiscales, sociales, qui tienne compte de cette diversité : pourquoi ne pas relancer les zones de redynamisation rurale, voire instaurer des zones franches dans la ruralité ? 

Réponse de M. Jacques Mézard, ministre. - Les services publics se sont en effet beaucoup retirés des territoires ruraux : chaque responsable politique de ces quinze dernières années peut en prendre pour son grade. Nous sommes évidemment mobilisés sur le sujet. En matière d'éducation, la rentrée s'est bien passée, les choix de Jean-Michel Blanquer ont été les bons. Faut-il renforcer les ZRR ? Il faudra en débattre.


M. Pierre Louault . - Depuis plus de quinze ans, l'aménagement du territoire est le parent pauvre des politiques publiques. Nos territoires ruraux sont devenus le tiers-monde de la France. Certains ont migré. Les derniers indigènes n'en peuvent plus : ils attendent plus de souplesse, plus d'initiatives ; il faut redonner de l'espoir aux élus ruraux. On paie des abonnements de mobile à 39 euros au lieu de 19, alors qu'il faut monter sur la colline pour capter le signal... Il faut laisser de la liberté aux élus et trouver des moyens financiers.
D'après la Cour des comptes, il y a trois à quatre fois moins de dotation pour les ruraux que dans les pôles urbains. Il faut plus de péréquation, une politique d'aménagement du territoire qui mobilise tous les moyens.
Quels moyens financiers consacrerez-vous à l'aménagement du territoire ? 

Réponse de M. Jacques Mézard, ministre. - Tous les territoires ruraux ne sont pas à l'abandon. Certains se repeuplent, quand d'autres, enclavés, loin des métropoles, se sentent abandonnés. Ils vivent la disparition de très nombreuses exploitations agricoles. Certaines villes moyennes perdent de la population, pas seulement pour les métropoles mais au profit de leur périphérie. La réponse ? Du côté de l'État : des contrats spécifiques pour les villes moyennes et la revitalisation des centres-bourgs. Il y a aussi la péréquation, notamment horizontale. 
Je peux entendre que les départements se plaignent de leurs difficultés mais leurs ressources peuvent être dynamiques - les droits de mutation à titre onéreux par exemple. Mais dans ce cas, ils sont discrets...