Les questions

Energie
Hervé Maurey
25/09/2012
«L՚élaboration du plan de prévention des risques technologiques concernant le site de stockage de gaz naturel de Storengy à Saint-Clair-sur-Epte»
M. Hervé Maurey
Je souhaite appeler l’attention sur les conditions d’élaboration des plans de prévention des risques technologiques, les PPRT, et sur leurs conséquences, notamment sur les finances des collectivités.
L’élaboration des PPRT, prévue par la loi du 30 juillet 2003 et dont le bien-fondé ne saurait évidemment être remis en cause, correspond à la nécessité de faire cohabiter des sites industriels sensibles mais, rappelons-le, créateurs d’emplois avec les habitations et lieux publics du bassin de vie dans lequel ils sont implantés.
Les PPRT visent, d’une part, à sécuriser le bâti existant, et, d’autre part, à maîtriser l’urbanisation future autour de ces établissements. Ils doivent être élaborés, selon la loi, en concertation étroite avec les élus et les habitants concernés, ce qui est d’autant plus justifié qu’ils définissent des mesures de précaution contraignantes pour l’habitat, dont la mise en œuvre a un coût important pour les particuliers et les collectivités concernés.
Ainsi, dans l’Eure, vingt et une communes sont concernées par l’un des sept PPRT affectant le territoire du département. Un certain nombre de maires de ces communes m’ont fait part du manque de concertation qui prévaut dans leur élaboration. Ainsi, la communauté de communes Eure-Madrie-Seine m’a transmis la délibération qu’elle a adoptée en juin dernier pour s’opposer aux propositions formulées.
Les maires des communes de Guerny et de Noyers, concernées par le PPRT du site de stockage de gaz naturel de Storengy, m’ont également interpellé. Lors des réunions publiques qui se sont tenues en présence du préfet du Val-d’Oise, les questions posées par les habitants et les élus sont restées sans réponse, quand elles n’ont pas été accueillies, selon les élus, par une attitude de déni, voire de mépris. J’en ai moi-même fait l’expérience puisque le préfet du Val-d’Oise n’a daigné répondre à aucun des courriers que je lui ai adressés sur ce sujet depuis le mois de décembre 2011.
Par ailleurs, les recommandations formulées vont aboutir à imposer aux communes de nombreux aménagements, notamment le remplacement de portes et de fenêtres sur les bâtiments communaux afin de privilégier des matériaux résistants aux flux thermiques.
Le coût de tels travaux sur des bâtiments construits antérieurement à la création du site de stockage ou sans que l’exploitant ait formulé d’observations ne me semble pas devoir être supporté par les communes, leur faible niveau de ressources ne leur permettant pas de le prendre en charge, mais bien par l’entreprise concernée ou par l’autorité prescriptrice, à savoir l’État.
De même, les habitants doivent engager à leurs frais, du fait de ces prescriptions, des travaux de sécurisation, alors que, dans le même temps, la valeur de leurs biens diminue.
À titre de compensation, les collectivités peuvent accorder à ces particuliers des abattements de taxe foncière pouvant atteindre 50 %, mais ces mesures sont elles aussi supportées par les seules collectivités locales.
Ces exemples témoignent, madame la ministre déléguée, de la nécessité d’associer davantage les collectivités à l’élaboration des PPRT et de veiller à ce qu’elles n’en assument pas seules les conséquences financières. J’aimerais connaître la position du Gouvernement sur ce sujet.
Réponse du ministre
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l’étranger. Monsieur le sénateur, Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, vous remercie de l’interroger sur ce sujet. Retenue par des obligations internationales à l’Assemblée générale des Nations unies, dans le cadre de la préparation des prochaines négociations internationales sur le climat, elle vous prie de bien vouloir l’excuser de ne pouvoir vous répondre personnellement.
Les plans de prévention des risques technologiques sont des outils indispensables à la coexistence des activités industrielles avec les autres usages du foncier, habitat ou autres activités économiques, en particulier en milieu déjà urbanisé.
Votre question reflète bien la complexité de leur mise en œuvre. Mme Batho rencontrera bientôt l’Association nationale des communes pour la maîtrise des risques technologiques majeurs, qui l’interpelle régulièrement sur certaines difficultés.
En outre, plusieurs collectivités l’ont alertée sur le défaut de concertation entourant la mise en œuvre des PPRT, alors que des financements leurs sont demandés.
Il doit être bien clair que la concertation, lors de l’élaboration des plans de prévention des risques technologiques, est absolument essentielle.
Comme vous le savez, l’élaboration des PPRT est précédée d’une phase importante de réduction préalable du risque à la source, à la charge des exploitants industriels, afin de s’assurer que les meilleures techniques disponibles sont mises en œuvre sur le site.
Ces mesures ont une portée importante : environ 1 milliard d’euros ont été dépensés par les industriels concernés, ces cinq dernières années, afin de sortir des milliers de bâtiments des périmètres des PPRT.
Lorsqu’il subsiste des risques résiduels, qu’il n’est plus possible de réduire, le préfet peut lancer les démarches de mise en place d’un PPRT. C’est lors de cette phase d’élaboration des PPRT que la concertation est absolument déterminante, même si elle débute dès la phase de réduction des risques.
À cette fin, des arrêtés préfectoraux prescrivant l’élaboration d’un PPRT désignent des personnes et des organismes qui seront associés à l’intégralité des réflexions.
Par ailleurs, une ou plusieurs réunions de concertation avec le public peuvent être organisées.
Enfin, une enquête publique est menée lorsque le projet de plan est connu, afin de recueillir l’avis de chacun.
Après l’approbation du PPRT, les dispositions relatives au financement des mesures arrêtées sont mises en œuvre. Elles concernent de multiples aspects : mesures complémentaires de réduction du risque à la source, mesures foncières d’expropriation et de délaissement, travaux sur le bâti existant et règles de construction pour le bâti futur. Selon le cas, ces coûts sont supportés par l’exploitant à l’origine du risque, l’État, les collectivités territoriales, les propriétaires des bâtiments concernés pour partie.
Lorsque la situation de l’une ou l’autre des parties précédemment citées présente des particularités au regard des dispositions arrêtées par le PPRT, un équilibre global doit être recherché concernant le financement de l’ensemble des mesures, en jouant sur les différentes souplesses laissées par les textes pour parvenir à une prise en charge raisonnable des dépenses par chacune des parties.
Au titre de cette phase décisive pour la mise en œuvre des travaux, les préfets qui animent l’élaboration des PPRT sont invités à rechercher les équilibres d’ensemble les plus pragmatiques et les mieux adaptés à la réalité du terrain.
Dans le cas du site de stockage de Saint-Clair-sur-Epte, l’exploitant est encore en phase de réduction du risque à la source, et des réunions avec les conseils municipaux ont déjà été organisées à proximité du stockage souterrain. Cette concertation préalable engagée avec les élus a d’ores et déjà permis de sortir l’école du hameau de Gisancourt des zones de travaux recommandés. Une nouvelle réunion de concertation avec les élus sera organisée par le préfet lorsque la démarche de réduction des risques sera totalement finalisée.
À ce stade, la concertation est donc loin d’être achevée concernant l’élaboration du PPRT du site de stockage de Saint-Clair-sur-Epte. Soyez assuré, monsieur le sénateur, que Mme Batho sera très attentive à la bonne tenue de cette concertation.
Réplique de M. Hervé Maurey
Je vous remercie de cette réponse, madame la ministre.
Vous avez souligné la nécessité et l’importance de la concertation. Des instructions doivent donc être clairement données par le Gouvernement aux préfets, car, sur le terrain, les élus et les citoyens ressentent un véritable mépris – des mots très forts sont employés par les élus – de la part des services de l’État dans certains cas. La pédagogie étant l’art de la répétition, un rappel doit être adressé aux préfets sur ce point.
Comme je l’ai indiqué, j’ai moi-même écrit plusieurs fois au préfet du Val-d’Oise, qui n’a jamais daigné me répondre. Je vous laisse imaginer comment sont traités les élus locaux et, a fortiori, les citoyens !
Vous avez en outre indiqué qu’un équilibre global dans la prise en charge des coûts par les uns et les autres était nécessaire. Je suis tout à fait d’accord, mais, sur ce sujet également, il faudrait recadrer les services de l’État. En effet, pour l’instant, mes interlocuteurs sur le terrain me font savoir qu’il incombe aux communes de supporter l’ensemble des coûts induits par la mise en œuvre des PPRT : lorsque des travaux doivent être effectués sur des bâtiments communaux, ni l’État ni l’exploitant ne sont apparemment prêts à y participer ; lorsque les travaux portent sur des biens appartenant à des particuliers, ceux-ci n’ont d’autre option que de demander un dégrèvement de taxe foncière, ce qui revient, in fine, à solliciter encore une fois les collectivités.
(M. Jean-Claude Carle remplace M. Didier Guillaume au fauteuil de la présidence.)