Les débats

Education et enseignement supérieur
25/05/2011

«Débat : \"Quelle ambition pour la petite enfance dans notre pays ? »»

Mme Muguette Dini, présidente de la Commission des Affaires sociales

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour ce qui est de l’accueil des tout-petits, je souhaite résolument me placer dans le « concret », dans le « possible ». En matière de petite enfance, l’objectif est double. D’une part, il s’agit d’offrir à chaque famille qui le souhaite la possibilité de faire garder son ou ses enfants d’âge préscolaire à un coût raisonnable, cet élément financier valant aussi bien pour les finances publiques que pour celles des parents. D’autre part, il convient d’assurer les conditions d’accueil et d’éveil aux savoirs des tout-petits, raison pour laquelle il importe de proposer des structures adaptées à la maturité psychique et physique de ces enfants ainsi que d’améliorer la formation des professionnels. Je ne veux pas me livrer à une énumération de chiffres, mais trois données me paraissent essentielles. Au 1er janvier 2009, la capacité d’accueil des jeunes enfants s’élevait à environ 1 153 000 places. Les dernières études publiées ont montré qu’il manquait encore 400 000 places pour répondre aux besoins. Par ailleurs, avec plus de 600 000 places proposées, les assistantes maternelles représentent le premier mode de garde en volume. Viennent ensuite les structures collectives de type crèche et la garde par une employée à domicile. Nous savons qu’il est impossible, pour des raisons financières, de bâtir une politique de développement de l’offre de garde uniquement sur l’accroissement des capacités d’accueil des crèches et l’essor de la garde à domicile. L’une des orientations prioritaires est l’accroissement du nombre d’assistantes maternelles et l’essor des MAM, les maisons d’assistants maternels. Les MAM ont fait l’objet d’une première proposition de loi, votée le 14 janvier 2010 au Sénat. Après des mois d’obstination et de travail acharné, notamment de la part de nos collègues sénateurs Jean Arthuis et André Lardeux, les MAM ont été consacrées par la loi du 9 juin 2010 relative à la création des maisons d’assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels. Je n’ignore pas que des critiques ont été opposées à cette formule innovante, mais je suis convaincue par les avantages particuliers qu’elle présente. Pour les familles, elle offre une amplitude horaire qu’aucun autre mode de garde collective ne permet. Pour les enfants, les risques sont réduits. Le travail en équipe, auprès d’eux, des assistantes maternelles favorise une vigilance mutuelle, une vraie interactivité. Pour les assistantes maternelles, la mise en commun d’expériences et de réflexions constitue une avancée tout à fait considérable. De nombreuses communes, essentiellement rurales mais pas seulement, ne disposent pas de ressources suffisantes pour financer une crèche. Les MAM sont alors la seule forme permettant à ces communes d’offrir une solution de garde à leurs habitants. Le 10 février 2010, soit entre les deux lectures de la proposition de loi relative à la création des maisons d’assistants maternels, le Président de la République déclarait, lors des assises des territoires ruraux : « […] je soutiens […] le développement des maisons d’assistantes maternelles […]. J’oserai d’ailleurs une remarque. Bien sûr qu’il faut faire attention [aux] conditions de sécurité, d’hygiène pour garder nos enfants, mais arrêtons aussi la folie réglementaire ! Entre les conditions de mètres carrés, le nombre de fenêtres, l’air qui circule, le nombre de personnes, il n’y a pas un seul de nos enfants, chez nous, qui soit gardé comme ils sont gardés dans des établissements publics. » (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) À la fin du mois d’octobre 2010, donc près de cinq mois après le vote de la loi, 82 MAM fonctionnaient déjà et 107 étaient en cours d’ouverture, soit 189 MAM réparties dans cinquante-quatre départements. Comment ne pas alors déplorer, madame la secrétaire d’État, l’avis rendu, le 2 décembre 2010, par la sous-commission ERP de la commission centrale de sécurité de la direction de la sécurité civile du ministère de l’intérieur – voilà un titre explicite ! –, avis relatif à la réglementation de sécurité applicable aux MAM ? Cet avis les classe en établissement recevant du public de type R de quatrième catégorie. Si ce n’est pas le contraire de ce qu’a dit le Président de la République, je me demande ce que c’est ! Cette décision soumet les MAM à une série de normes de sécurité et d’accessibilité, en matière de construction, d’aménagement intérieur, d’éclairage, d’appareils de cuisson, sans parler des vérifications techniques par des organismes agréés. Cet avis réduit donc à néant tout notre travail législatif. Il met un véritable point d’arrêt à la création des MAM et remet en cause 95 % des structures existantes. Cette situation est d’autant plus inadmissible que les fonctionnaires concernés avaient été sollicités par la commission des affaires sociales du Sénat pour réfléchir aux solutions juridiques permettant de concilier exigences de sécurité et développement des MAM. Madame la secrétaire d’État, je demande que soit respectée la volonté du législateur : les MAM doivent être considérées comme le prolongement du domicile des assistantes maternelles, sous le contrôle des services de la PMI, la protection maternelle et infantile, appliquant leurs normes habituelles. Laissez, je vous en prie les présidents de conseil général assumer leurs responsabilités ! Je sais que M. Guéant, alerté par mon collègue Jean Arthuis, a saisi la mesure de l’enjeu. Alors, j’attends de vous, madame la secrétaire d’État, que vous progressiez très rapidement sur ce sujet, éventuellement à l’échelon interministériel. J’en viens au second sujet qui me tient à cœur, celui de la formation des personnels chargés de l’accueil des tout jeunes enfants, au moment précisément où ils s’éveillent au monde et où l’on sait que se posent les bases de l’acquisition des savoirs et de la culture qui leur permettront de trouver leur place dans la société. Le niveau de formation peut aller de l’absence totale, dans le cas d’un accueil ponctuel, à des diplômes sanctionnant trois ou quatre années d’études après le baccalauréat, en passant par les 120 heures de formation délivrées aux assistantes maternelles exerçant à domicile ou en MAM. Certains professionnels relèvent – c’est le cas le plus fréquent – du secteur sanitaire : il s’agit des auxiliaires de puériculture, formés à la délivrance des soins mais non à la pédagogie. D’autres, moins nombreux, sont issus du secteur socio-éducatif. Dès le début de l’année 2010, j’ai commencé à travailler sur l’intérêt que présenterait la création d’une filière de formation spécifique, délivrant les compétences globales nécessaires à l’accueil des jeunes enfants, quel que soit le type de structure. D’une durée totale de dix-huit mois, dont la moitié « en situation », la formation « d’accueillant éducatif » se concentrerait sur l’éveil de l’enfant, sur son développement psychologique et affectif, sans négliger, bien entendu, les connaissances sanitaires. Dans ce cadre, les éducateurs de jeunes enfants, dont la formation comprendrait un module de gestion, seraient amenés à devenir des directeurs de structures et à encadrer les accueillants éducatifs. J’ai su que Mme Bachelot-Narquin avait lancé une expérimentation en ce sens. Je serais heureuse, madame la secrétaire d’État, d’en savoir plus. J’en suis convaincue, la petite enfance constitue une réserve d’emplois importante, que l’attente des familles est immense en la matière et qu’il nous appartient de valoriser ces métiers et de permettre l’accomplissement professionnel des personnes qui les exercent. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)