Les questions

Hervé Maurey, Sylvie Goy-Chavent, Loïc Hervé, Anne-Catherine Loisier 21/11/2017

«Questions orales au Gouvernement»

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Régime de la sécurité sociale étudiante

Mme Anne-Catherine Loisier .
- Le régime de sécurité sociale étudiant est confié à des mutuelles étudiantes qui agissent par délégation de service public. Il est obligatoire pour tous les étudiants entre 16 et 28 ans, qui ne sont pas rattachés au régime spécial de leurs parents.

Les modalités d'affiliation et de cotisation varient en fonction de l'âge de l'étudiant et de la profession du parent. Certains régimes spéciaux acceptent le rattachement jusqu'à l'âge de 28 ans.

Au cours de la campagne présidentielle, le Président de la République a annoncé la réforme de ce régime qui fait l'objet de critiques constantes. Passera-t-elle par la loi de financement de la sécurité sociale ? Attendra-t-elle l'année prochaine ?

Réponse de Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - Veuillez excuser Mme Buzyn qui se trouve aux Restos du Coeur avec le président de la République. Une précision sémantique, d'abord. On ne peut pas parler de « régime » pour la sécurité sociale étudiante. De fait, il s'agit d'une délégation de gestion.

Le Parlement sera prochainement saisi d'un projet de loi. La réforme, qui se fera en deux ans, vise à simplifier les formalités pour les étudiants, qui bénéficieront ainsi de la même qualité de service que leurs parents - ce n'était pas le cas jusqu'à présent. À partir de la rentrée 2018, les nouveaux étudiants seront rattachés au régime général, les autres attendront 2019 au plus tard. La cotisation de 217 euros sera supprimée dès la rentrée prochaine ; cela représente un gain de pouvoir d'achat global pour les étudiants de 100 millions d'euros.

Mme Anne-Catherine Loisier. - Merci Madame la Ministre. Il faut répondre de façon équitable aux attentes des étudiants et de leurs familles. Aucun dispositif complémentaire ne figure dans le PLFSS, si je comprends bien.


Situation critique des hôpitaux du Léman

M. Loïc Hervé .
- Ma question porte sur la situation extrêmement critique des Hôpitaux du Léman, centre hospitalier situé à Thonon-les-Bains, en Haute-Savoie, département que vous connaissez bien, Madame la Ministre.

Cet ensemble hospitalier de 730 lits constitue la seule offre de soins du bassin de vie chablaisien, qui compte 143 000 habitants. Ce territoire, fortement touristique, marqué par une dynamique démographique soutenue, présente une facette urbaine autour du Léman et une autre montagneuse, autour des stations de ski. Le maintien des activités de soins de proximité prodiguées par les hôpitaux du Léman est donc essentiel au regard des besoins de ce territoire.

Or depuis plusieurs mois voire plusieurs années, cet établissement connaît de graves difficultés de fonctionnement, sur lesquelles nous avons attiré l'attention du directeur de l'Agence régionale de santé (ARS). Il n'a plus la capacité financière de se restructurer, de se moderniser et de maintenir dans un état décent ses équipements - les photos que j'ai envoyées à Mme la ministre en témoignent. Cette incapacité de projection contribue largement à une hémorragie de son personnel ainsi qu'à une aggravation de ses pertes financières.

Face à l'état de délabrement avancé de ses locaux et de son bloc opératoire, le personnel, pourtant fortement attaché à ses missions de service public, est désarmé et craint une disparition programmée de son outil de travail.

Le Premier ministre s'est engagé à garantir un égal accès aux soins, dans sa déclaration de politique générale du 4 juillet 2017. Quelles mesures financières le Gouvernement envisage-t-il pour sauvegarder cet établissement indispensable au maillage sanitaire territorial ? Il mérite mieux qu'une logique comptable.

Réponse de Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - La situation de l'établissement est bien connue de l'ARS, et fait l'objet d'un accompagnement continu. Sa situation financière s'est dégradée sous l'effet de plusieurs facteurs : réforme des transfrontaliers, baisse d'activité due à la concurrence, défaut de performance global... La situation de l'établissement est complexe. Les aides octroyées en 2017 ont été une bouffée d'oxygène, permettant de remettre aux normes l'établissement.

Un projet de reconstruction, pour 80 millions d'euros, du bâtiment d'hébergement principal est toujours d'actualité. Il doit être construit en différentes phases, en tenant compte du projet territorial du groupement hospitalier de territoire. 

Ces objectifs figureront dans la feuille de route du prochain chef d'établissement, en cours de recrutement, qui devra nouer des liens avec la communauté médicale et hospitalière, afin de porter les différents projets des hôpitaux du Léman, dans le cadre du groupement hospitalier de territoire (GHT). Cette logique de territorialisation du travail passe par le recrutement commun d'équipes mobiles, notamment pour les urgences.

Territoire en forte croissance démographique, coopérations dans le cadre du GHT, président de commission médicale d'établissement mobilisé, nouveau directeur, appui de l'ARS : tout sera réuni pour donner un nouvel avenir à cet établissement. Le sujet est connu et sous contrôle.

M. Loïc Hervé. - C'est ce que j'attends de la ministre. Les élus de terrain - certains sont ici et vous écoutent - suivent la question de près. J'en profite pour dire que nous sommes très attentifs à l'avenir des dispositifs de formation sur notre territoire - qui compte une école d'infirmières, dont le rôle est très important pour le Chablais.


Déserts médicaux

M. Hervé Maurey .
- Comme beaucoup, j'ai accueilli avec espoir l'annonce par le Premier ministre dès sa nomination de la priorité donnée à la lutte contre les déserts médicaux avec enthousiasme. Hélas, il a été déçu par la présentation du plan du 13 octobre dernier par la ministre de la santé. Par manque de courage politique, par méconnaissance de la réalité de nos territoires, ce Gouvernement, qui se veut le chantre du nouveau monde, applique les recettes de la vieille politique, qui a démontré son inefficacité depuis un quart de siècle.

L'accès aux soins ne cesse de se dégrader : selon une étude récente, 148 cantons ne comptent plus aucun médecin généraliste, contre 91 en 2010. Les disparités territoriales en matière de démographie médicale atteignent un niveau jamais vu. Ainsi, le département de l'Eure dont je suis l'élu, comptait, en 2015, 1,7 médecin pour 1 000 habitants, contre 7,5 à Paris. 

En France, il faut en moyenne 18 jours pour voir un pédiatre, 40 jours pour un gynécologue et 133 jours pour un ophtalmologiste - et il ne s'agit que de moyennes ! La conséquence est sans appel : 70 % des Français disent avoir renoncé à se faire soigner à cause de ces délais.

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat demande la mise en place d'un conventionnement sélectif dans les zones sur-dotées selon le principe : « une installation pour un départ ». De telles mesures ont été mises en place avec succès pour les infirmiers, les sages-femmes, les orthophonistes et les chirurgiens-dentistes. Il a prouvé son efficacité. Son extension aux médecins est de plus en plus souhaitée. Ainsi 110 sénateurs ont signé les amendements dans ce sens la semaine dernière au Sénat. 

Comptez-vous faire un bilan des mesures annoncées ? En cas d'inefficacité, entendrez-vous nos propositions sur la régulation comme sur les futurs médecins ? Resterez-vous dans le déni ? Attendrez-vous un drame sanitaire pour agir enfin ? 

Réponse de Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - Le plan annoncé par la ministre le 13 octobre s'appuie sur le terrain, les remontées des professionnels de santé, des collectivités territoriales, et des usagers. Il n'y a pas une réponse miracle, mais un panel de solutions. 

Ce plan est un vrai changement de paradigme : l'accès aux soins ne repose pas sur l'installation d'un médecin, mais sur l'organisation coordonnée entre tous les professionnels de santé, au niveau local, dans chaque territoire, par les acteurs, auxquels il faut laisser le maximum de liberté d'organisation.

Le nombre de médecins va encore diminuer au cours des prochaines années. Le plan annoncé généralise la téléconsultation, la télémédecine, encouragera la coopération en doublant les maisons de santé, ainsi que les pratiques avancées et les contrats conventionnés en zone sous-dense, dont le contrat de solidarité territoriale médecin. Trois délégués ont été désignés pour suivre l'application de ce plan et son adaptation : M. Thomas Mesnier, député, Mme Elisabeth Doineau, sénatrice, et Mme Sophie Augros, présidente du syndicat des jeunes médecins ReAGJIR.

M. Hervé Maurey. - Votre réponse m'attriste. Ce plan n'a aucune ambition. Les maisons de santé sans médecins ne sont qu'un gâchis d'argent public. Les solutions mises en oeuvre depuis vingt-cinq ans ne marchent pas. Aucun gouvernement n'a eu le courage d'affronter le lobby médical, voilà la vérité ! Ouvrez les yeux, allez dans les territoires périurbains et ruraux. Je le redis, un jour, il y aura un drame. À force d'attendre un rendez-vous chez le spécialiste, il devient inutile de le consulter... 


Élevage industriel et développement durable

Mme Sylvie Goy-Chavent .
- Dans le département de l'Ain, les services de l'État examinent actuellement un projet d'élevage industriel de 40 000 poulets de batterie sur 1 800 m2, pendant que les élevages de qualité luttent pour survivre. Cela est-il le modèle à suivre ? Quelle est la frontière entre pragmatisme et renoncement ?

Dès 1976, les dérives de l'alimentation industrielle et la « malbouffe » étaient dénoncées dans la comédie L'Aile ou la cuisse, de Claude Zidi. Tricatel, l'affreux industriel, était battu par Duchemin, l'amateur de gastronomie, incarné par le merveilleux Louis de Funès. Quarante ans plus tard, la fiction est devenue réalité, avec du faux fromage à base d'huile de palme dans les pizzas et des manchons de poulets reconstitués à partir de déchets d'os recouverts de gel et de peinture alimentaire - j'ai assisté à leur fabrication ! Je doute que l'on serve cette pitance dans les salons dorés de l'Élysée, ni dans les antichambres des ministères, où l'on juge pourtant qu'elle est assez bonne pour nos enfants. C'est un autre modèle pourtant que défend le ministre d'État, militant de longue date de l'écologie.

Le Gouvernement est-il du côté de Tricatel ou de Duchemin ?

Réponse de Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Ce que nous mangeons compte beaucoup. La question de la pérennité de l'emploi agricole se pose aussi. Nos concitoyens veulent des produits plus traçables. Nicolas Hulot est engagé pour la transition écologique de l'agriculture, vers l'agriculture biologique, dans laquelle de nombreux agriculteurs sont engagés.

Les États généraux de l'alimentation pilotés par le ministère de l'agriculture réunissent jusqu'à la fin de ce mois l'ensemble des parties prenantes concernées.

Le 11 octobre dernier, le président de la République a confirmé nos nouvelles orientations. Par une meilleure prise en compte des enjeux de qualité, de protection de l'environnement et du bien-être animal, elles doivent doter notre pays d'une stratégie visant à retrouver notre souveraineté alimentaire. Le ministre d'État sera particulièrement vigilant à ce qu'émergent des propositions allant dans le sens d'une transformation en profondeur des modèles agricoles en général, des systèmes d'élevage en particulier.

Déjà, plusieurs chantiers progressent dans ce sens. Ainsi, le Gouvernement s'engage à mettre en place un plan de sortie des pesticides.

Mme Sylvie Goy-Chavent. - Les mots et les actes semblent éloignés : les consommateurs attendent des actions concrètes et non des effets d'annonce. Les Français seront les premières victimes de tout cela. Vingt et un poulets au mètre carré ! Je ne suis pas sûre que cela sauve l'agriculture. Aujourd'hui un agriculteur se suicide chaque jour ou presque.