Les débats

Daniel Dubois, Valérie Létard, Michèle Vullien 21/11/2017

«POLITIQUE DE LA VILLE : UNE RÉFORME BIEN ENGAGÉE MAIS FRAGILISÉE PAR UN MANQUE DE MOYENS»

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Mme Valérie Létard, au nom de la commission des affaires économiques . - La commission des affaires économiques a désigné Annie Guillemot et moi-même pour faire l'évaluation de la loi Lamy, trois ans après son entrée en vigueur.

La nouvelle géographie prioritaire est-elle pertinente ? Les nouveaux critères, plus objectifs, sont globalement adaptés à l'objectif de resserrement et de simplification. Néanmoins, ils empêchent de prendre en compte certains territoires moins denses comme le bassin minier ou des poches de pauvreté enclavées dans des zones de mixité sociale.

Pour les quartiers sortants, ceux qui ne relèvent plus de la géographie prioritaire, la loi Lamy a mis en place un dispositif de veille qu'il faut activer, indépendamment de la signature d'un contrat de ville, afin d'intervenir le plus rapidement possible en cas de décrochage.

En tout, 435 contrats de ville ont été signés. Le pilotage intercommunal semble satisfaisant. Attention, toutefois, aux conséquences de la réforme territoriale.

La tranquillité publique est une question récurrente dans les quartiers prioritaires. La police et la justice doivent amplifier leur action, les bailleurs sociaux mettre en place des gardiens d'immeubles et des dispositifs de médiation. Les rodéos sauvages doivent cesser, cela passe peut-être par la loi. N'abandonnons pas les quartiers en difficulté extrême. Pour eux, le traitement des difficultés doit être global, ce qui nécessite un renforcement des moyens de droit commun. La question de l'emploi est fondamentale : n'opposons pas aides à la personne et aides aux territoires, emplois francs et zones franches urbaines.

Contrairement à ce qui était prévu par la loi Lamy, les moyens financiers sont peu détaillés dans les contrats de ville. Le président de la République a parlé d'une sanctuarisation des crédits de la politique de la ville durant le quinquennat. Cela signifie qu'il n'y aura pas de gel en cours d'année, nous sommes bien d'accord ?


DÉBAT

M. Daniel Dubois .
- Réaménager, reconstruire, réhabiliter sont des conditions nécessaires mais non suffisantes. Ce sont les habitants qui font les quartiers. C'est dans la durée que nous jugerons. Il faut, dès le départ, assurer la mixité sociale par un peuplement adapté, et c'est très difficile. Mais les parents doivent s'acquitter de leurs devoirs liés à leur parentalité. Emploi, éducation, logement, toutes les politiques doivent être concomitantes et être réévaluées selon les résultats qu'elles produisent pour éviter que les quartiers ne sombrent à nouveau. De quels instruments de mesure disposez-vous ?

Réponse de M. Jacques Mézard, ministre. - Effectivement, le résultat se mesure dans la durée. Une politique de peuplement adaptée est l'alpha et l'oméga. Pour assurer la contractualisation, indispensable, et l'évaluation des politiques, nous comptons sur les préfets délégués auxquels je rends hommage : nous avons là des serviteurs de l'État qui connaissent bien les quartiers et sur lesquels vous pouvez compter. 

M. Daniel Dubois. - Je suis rassuré par les propos du ministre mais j'attends les faits.

Mme Michèle Vullien . - Sans vouloir préempter le résultat des Assises de la mobilité présidées par Élisabeth Borne, il faut se pencher sur les déserts, voire les no man's land qui existent en fait de transports. Un portage politique volontariste contre le tout-voiture est nécessaire, avec l'intérêt général à l'esprit. L'intermodalité est-elle votre priorité, en termes d'actions et de financements ? Les transports du quotidien, qui doivent participer aux solutions d'avenir pour notre planète, sont-ils pour vous une priorité, pour une ville de demain sans voiture ?

Réponse de M. Jacques Mézard, ministre. - D'une commune à une autre, des gens qui ont une offre d'emploi ne peuvent l'accepter car ils auraient 1 h, 1 h 30 de déplacement, surtout en Île-de-France. C'est le résultat d'une politique menée depuis des années, et ce n'est pas la faute que de l'État. C'est essentiel dans le dossier du Grand Paris. Évidemment, le Gouvernement a pour priorité l'intermodalité. Des avancées considérables se font dans le domaine des transports, mais pas en un jour. La ministre des transports, les assises de la mobilité, vont tout à fait dans ce sens. Le concours des collectivités locales est important, dans l'intérêt général.

Mme Michèle Vullien. - Je vais vous parler lyonnais : « y suffit pas d'y dire, faut encore y faire ! »


Mme Valérie Létard . - Je m'exprime ici au nom du groupe UC. Quatre milliards d'euros seront apportés par les autres acteurs du logement. En 2017, l'État mettait 150 millions d'euros en autorisations d'engagement, 15 millions en crédits de paiement. Cette année, ce sont 15 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Symboliquement, n'est-ce pas critiquable ?

Les contrats de ville s'appuient d'abord sur le droit commun. Que met-on dans le droit commun ? Quel sera le contenu de la mission confiée à Jean-Louis Borloo ? Comment se coordonneront les actions, en direction de quels publics ? Attention à la vente du patrimoine, on risque de perdre des moyens de promouvoir la mixité sociale.

Réponse de M. Jacques Mézard, ministre. - La signature du protocole ce matin avec Action Logement en témoigne, la vente de logements - qui ne concerne aujourd'hui qu'1,2 % du parc - est encouragée, dans un système vertueux qui permet de relancer la production de logements sociaux. La méfiance de certains bailleurs - pas tous - est étrange. Dans un budget, ce qui compte, ce n'est pas la symbolique, c'est le concret. Nous tiendrons nos engagements.