Les débats

Affaires étrangères et coopération
21/06/2011

«Débat sur la situation en Tunisie - Séance au Conseil de l՚Europe»

M. Denis Badré

Lorsque notre Assemblée a créé le statut de partenaire pour la démocratie, nous étions nombreux à imaginer que les Parlements du Maroc et dela Tunisieseraient les deux premiers à pouvoir y prétendre.

L’Histoire est venue bouleverser ces prévisions et notre calendrier. Ce matin, seul le Maroc s’est vu ouvrir ce statut. Cela s’est confirmé ce matin : le Partenariat pour la démocratie est une excellente formule pour accompagner la mue démocratique des assemblées. Mais il n’est pas directement adapté à la construction d’un régime démocratique complètement nouveau, tâche à laquelle s’est atteléela Tunisie. Aprèsle « Partenariat pour la démocratie », Il nous reste à instaurer un « partenariat pour la construction de la démocratie »… L’excellent rapport de notre collègue Anne Brasseur,la Présidentedu groupe au nom duquel je m’exprime, rappelle quela Tunisiea besoin d’un soutien plein et entier, d’un engagement actif de l’ensemble des organes du Conseil de l’Europe : non seulement de notre Assemblée, mais aussi du Comité des ministres, de notre Secrétariat général et de toutes nos Directions générales. Les défis que doit surmonterla Tunisiesont en effet immenses. Ils en décourageraient beaucoup. J’admire donc la détermination des responsables de la transition en Tunisie. Ces défis à relever dépassent le stade de la réforme constitutionnelle. Ils embrassent les domaines économique et social. En effet, la « Révolution du jasmin » n’a pas été sans conséquence sur l’activité du pays, le secteur touristique étant, notamment, largement touché. Paradoxalement, les aspirations à la liberté peuvent faire peur… Les nuages qui obscurcissent l’avenir économique dela Tunisiepoussent une partie de sa population, et notamment les jeunes, à choisir l’exil. N’oublions pas que si certains d’entre eux peuvent être appelés à s’épanouir dans nos pays et à nous offrir leurs talents, il ne faudrait pas qu’ils manquent à leur pays d’origine qui doit impérativement et très vite retrouver les chemins du développement économique. « Lampedusa » ne doit pas être notre seule réponse aux difficultés que rencontrent les Tunisiens… Sur le plan institutionnel, le Conseil de l’Europe a un rôle primordial à jouer en accompagnant notamment le processus électoral en cours, mais aussi en renforçant les contacts entre notre Organisation et les autorités chargées des questions de justice, d’enseignement ou d’égalité. Au plan économique, il convient d’étudier la possibilité de dégager de nouvelles aides au redressement du pays. Le G20 l’a fait à l’occasion de son sommet de Deauville. Il convient de rechercher tous les canaux de financement possibles. Je m’interroge alors sur la possibilité de gager de nouvelles aides sur les fonds gelés de la famille Ben Ali, actuellement bloqués au sein d’établissements financiers européens. Ils sont d’un niveau autrement important que ceux qui ont pu être dégagés jusqu’ici et devraient pouvoir permettre de lancer des investissements porteurs d’avenir pour les jeunes Tunisiens. Après tout, il sera probablement démontré qu’ils appartiennent bien aux Tunisiens… La question économique n’est pas anecdotique. La tentation de l’émigration révèle une réelle déception de la population à l’égard de nouvelles autorités, qui ne sont pas encore jugées capables d’incarner tout l’espoir d’une amélioration des conditions sociales que sous-tendait aussi la révolution du jasmin. N’oublions pas que c’est une manifestation de désespoir face au coût de la vie qui a conduit les Tunisiens à se lever... Comme le disait Anne Brasseur, « pour pouvoir voter, il faut pouvoir manger ». La vie, c’est évidemment d’abord la liberté. Mais c’est aussi le développement ! Sachez être aux côtés des Tunisiens avec détermination et confiance. C’est vrai que nous pouvons faire ce choix parce que nous pouvons y voir notre intérêt. Disons fortement que nous le faisons d’abord parce que c’est leur avenir, l’avenir qu’il se choisissent et qu’ils vont continuer à construire désormais en pleine liberté !