Les questions

Agriculture et pêche
20/12/2011

«Les exonérations des charges patronales dans le secteur des activités maraîchères»

M. Joël Guerriau

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la France doit se battre face à une concurrence parfois déloyale sur le marché européen des fruits et légumes contre de nouveaux acteurs internationaux. Depuis de nombreux mois, le Gouvernement exprime son souhait d’alléger le coût du travail agricole pour maintenir la compétitivité de ce secteur. Je salue la mesure d’exonération totale de charges patronales sur le travail agricole saisonnier, ce qui a permis de ramener le coût horaire de 12,39 euros à 9,43 euros. Ce sont 491 millions d’euros qui ont été consacrés au financement de cette mesure dans le projet de loi de finances pour 2012. Monsieur le secrétaire d’État, cette mesure demeure nécessaire. Mais, en raison de la concurrence mondiale dans ce secteur, ne faut-il pas l’étendre aux travailleurs permanents ? Récemment, je me suis rendu à la visite d’une tenue maraîchère en Loire-Atlantique, à l’invitation du ministre de l’agriculture. Je connais sa détermination à agir. Ses dernières annonces indiquent que la mesure visant à alléger les charges patronales pour les salariés permanents ne concernerait que vingt de ces salariés par exploitation. Or, dans le maraîchage, par exemple, les entreprises emploient beaucoup plus de vingt salariés. De plus, ce critère n’incite pas les exploitants à créer des contrats à durée indéterminée. Cet allégement est dégressif selon le niveau de revenu des salariés permanents : un euro d’exonération pour les personnes dont le revenu est de 1,2 SMIC, puis une exonération dégressive jusqu’à 1,4 SMIC et, enfin, une absence d’exonération au-delà de cette rémunération. Ce plan doit bénéficier d’un budget de 220 millions d’euros. Mais combien sera réellement consommé ? De plus, à la demande de Bruxelles, certains secteurs bancaires et mutualistes bénéficieront de cet allégement. C’est d’autant moins qui sera consacré au travail et à la production sur le terrain. Les critères retenus pour la mise en place de cet allégement apparaissent restrictifs et sélectifs. Ils excluent un grand nombre d’exploitations agricoles qui ont aussi besoin d’une telle mesure pour améliorer leur compétitivité face à la concurrence européenne et internationale. En mars dernier, nos collègues députés Jean Dionis du Séjour et Charles de Courson avaient déposé une proposition de loi visant à exonérer totalement les cotisations patronales des salariés agricoles permanents. Cette mesure, compensée par la création d’une contribution assise sur les ventes en grande et moyenne surfaces de produits agroalimentaires, serait acquittée par les distributeurs. Dans un contexte budgétaire très contraint, qu’envisagez-vous comme marges de manœuvre pour déployer, améliorer et optimiser la compétitivité de l’agriculteur français, acteur de notre croissance ? Je vous remercie pour votre réponse éclairée sur ce sujet. (M. Jean Boyer applaudit.)

Réponse du ministre

M. Marc Laffineur, secrétaire d’État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants. Monsieur le sénateur, je vous demande tout d’abord de bien vouloir excuser M. Bruno Le Maire, qui ne peut être présent ce matin. Vous avez appelé son attention sur les charges sociales dues par les maraîchers, au titre de la main-d’œuvre permanente qu’ils emploient. Le renforcement de la compétitivité de notre agriculture est un axe essentiel de la politique du Gouvernement en faveur de notre agriculture. C’est la raison d’être du dispositif mis en place dans le cadre de la loi de finances pour 2012, qui permettra de réduire le coût du travail permanent en agriculture de 1 euro par heure au niveau du SMIC. La mesure doit entrer en vigueur après validation par la Commission européenne, avec effet à compter du 1er janvier 2012. Cette mesure prévoit des exonérations de cotisations sociales pour tous les employeurs relevant du régime de protection sociale agricole, dans la limite de vingt salariés sous contrats à durée indéterminée par entreprise. Elle s’applique donc à toutes les entreprises et non uniquement à celles qui comptent moins de vingt salariés. Cette exonération est totale pour les rémunérations comprises entre 1 et 1,1 fois le SMIC. Elle est ensuite dégressive jusqu’à 1,4 SMIC et devient nulle à partir de ce seuil. Elle constitue une avancée significative en faveur de l’emploi dans l’agriculture puisque 116 700 entreprises devraient en bénéficier, soit 78 % des exploitations et entreprises agricoles, pour environ 222 000 contrats. Elle représente 210 millions d’euros d’exonérations de charges sociales patronales supplémentaires. C’est un effort significatif dans un contexte de forte contrainte budgétaire – vous l’avez souligné – qui s’ajoute à celui concernant le coût du travail saisonnier, applicable depuis le 1er janvier 2010 : ces deux dispositifs ne sont donc pas alternatifs mais bien complémentaires ! L’ensemble de ces dispositions montre que le Gouvernement a pris la mesure des enjeux du secteur agricole. Par ailleurs, la réintégration des heures supplémentaires dans la base de calcul de l’allégement dit « Fillon » ne fait ni plus ni moins que poursuivre la rationalisation de ce dispositif, entamée l’année dernière avec l’annualisation de cet allégement général des charges sur les bas salaires. Bien évidemment, les heures supplémentaires ouvrent droit à l’exonération générale au même taux qu’une heure « normale » quand bien même elles seraient mieux rémunérées. Il s’agit donc d’une réforme équilibrée qui garantit à l’employeur ayant recours aux heures supplémentaires un coût marginal du travail qui reste inférieur à son niveau d’avant 2007, et ce quelle que soit la rémunération versée, à concurrence de 1,6 SMIC.

Réplique de M. Joël Guerriau

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse : nous sommes conscients des avancées significatives que le Gouvernement a engagées pour aider le monde agricole. Lors de la visite du ministre de l’agriculture en Loire-Atlantique, les maraîchers ont d’ailleurs exprimé une certaine satisfaction à ce titre. Néanmoins, force est de constater que les grandes surfaces ne jouent pas le jeu de la production française : trop souvent, en pleine saison, les promotions à répétition sur des fruits et légumes d’origine étrangère torpillent le marché. Ces pratiques détruisent non seulement des emplois mais nuisent à l’environnement, alors que les ventes devraient respecter un juste prix. Il s’agit ici de combattre les distorsions de concurrence sur le coût du travail, en préservant le financement de la protection sociale dans le domaine de l’agriculture. Je conçois les réticences que vous éprouvez à soulever un nouveau sujet de mécontentement. Toutefois, puisque l’évolution économique mondiale l’impose, je souhaite vivement que la France puisse optimiser la compétitivité des exploitations maraîchères qui fournissent des fruits et légumes de saison, base de l’alimentation produite en France.