M. Jean Boyer
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur l’avenir de nos communes, qui font face à l’inévitable dilution de leurs compétences, particulièrement dans le domaine des investissements.
Les réformes envisagées à ce sujet nous laissent tous perplexes. En effet, dans notre paysage institutionnel, la commune s’efface peu à peu devant les cadres juridiques multiples et variés, parfois complexes : communautés de communes, communautés d’agglomération, pays, départements, régions, sans oublier les divers syndicats à vocation multiple.
Personne ne demande de privilèges spécifiques, mais simplement une parité de traitement, afin de compenser les nombreux handicaps, tels que l’altitude, le climat, l’enclavement, l’espace, la topographie. La France rurale ne peut pas se contenter d’être la spectatrice passive de son déclin régulier ; au contraire, elle doit être une actrice de son renouveau et de sa renaissance ! Elle attend d’être mieux comprise et donc mieux aidée.
Les différents gouvernements, qu’il s’agisse de celui d’hier ou de celui d’aujourd’hui, ne tiennent pas suffisamment compte de ce que j’appelle « l’espace à gérer ». Une commune de 150 habitants à 200 habitants pourrait être logée dans une copropriété, mais cette commune doit entretenir des dizaines de kilomètres de chemins, de fossés, de ponts,…
Madame le ministre, trouvera-t-on dans quelques années des maires pour assurer le volontariat dans ces communes ? Un maire acceptera-t-il d’être seulement officier d’état civil, garde champêtre ou président d’association ?
Une petite commune ne peut pas s’attendre à rester une oasis de montagne ou de zone de revitalisation rurale, ZRR, par exemple. Je sais que la situation de la France est difficile, mais nous devons apporter un peu plus, ensemble, aux secteurs qui le méritent Le monde rural est une chaîne composée de maillons complémentaires ; son désenclavement et son égalité de traitement sont des éléments incontournables de son avenir.
Toutefois, il faut être réaliste. On compte 98 508 communes en Europe, dont 36 600 en France, soit 32 % du total des communes européennes. Dans cette situation, les communes françaises ne pourront pas, compte tenu de leurs dimensions, bénéficier de crédits européens, et donc de la parité de traitement.
Dans les réformes des collectivités territoriales à venir, n’oublions pas non plus que, sur les 36 000 communes de France, 11 688 sont classées en zone de revitalisation rurale. Elles représentent 4 442 962 habitants, pour une surface de 212 339 kilomètres carrés. Pour toutes ces raisons, les ZRR sont inquiètes, et elles doivent être soutenues et accompagnées dans leur développement.
Il est donc nécessaire de prendre en compte l’espace à gérer de ce pays. En effet, je le répète – et je tenais les mêmes propos au précédent gouvernement –, personne ne réclame la constitution d’« oasis rurales », mais nous demandons simplement l’attribution de moyens appropriés pour gérer ces espaces, où l’on compte parfois moins de dix habitants au kilomètre carré – et dans mon département, on n’en compte parfois que trois !
La conclusion de mon propos revêt donc un ton plus solennel. Je représente un département où l’altitude moyenne de l’habitat moyen est la plus élevée de France, où 22 cantons sont classés en zone de revitalisation rurale, trois de ces cantons comptant moins de dix habitants au kilomètre carré et un moins de cinq habitants au kilomètre carré. Madame le ministre je vous demande avec insistance de transmettre à vos collègues le message de la France rurale !
Réponse du ministre
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l’étranger. Monsieur le sénateur Jean Boyer, le Gouvernement a conscience de vos attentes et inquiétudes sur l’avenir de tous les territoires, en particulier des territoires de montagne. Pour répondre à ces enjeux majeurs, le Président de la République a souhaité la création d’un ministère de l’égalité des territoires, dont le mandat et l’ambition portent ces problématiques.
L’égalité des territoires se traduit par deux objectifs majeurs. Il s’agit, d’une part, de la réparation des territoires meurtris, ou affectés par des handicaps particuliers : les zones de montagne souffrent par exemple de difficultés particulières liées à leur enclavement, à leur géographie ou à leur tissu économique parfois peu diversifié. Il s’agit, d’autre part, de la mise en capacité de tous les territoires : nous devons les aider à trouver les moyens de leur développement, en valorisant leurs forces et leurs ressources. Les zones de revitalisation rurale sont l’un des outils qui agissent pour le développement du tissu économique et de l’emploi des territoires ruraux. Toutefois, il apparaît nettement que ce zonage ne cible pas toujours les territoires où les difficultés socio-économiques sont les plus patentes, en raison de certains critères qui, à l’aune de l’évolution démographique des territoires ruraux, ne sont plus pertinents. Le taux d’agriculteurs, qui est l’une des composantes du zonage, n’est par exemple plus systématiquement révélateur d’un territoire défavorisé.
Le Gouvernement souhaite donc engager une réflexion pour faire évoluer ce zonage et rendre l’objectif de développement et de structuration économique des territoires plus opérant.
Par ailleurs, Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement a annoncé la semaine dernière, au Sénat, qu’un projet de loi pour l’égalité des territoires serait porté devant le Parlement en 2013. L’aboutissement de ce travail qui s’engage permettra de répondre aux objectifs de développement, d’équilibre et de solidarité des territoires et fera une large place à l’accès aux services publics.
Cette ambition pour l’égalité des territoires ne pourra se traduire, dans tous ses aspects, que dans une démarche partagée entre l’État et toutes les collectivités.
Les communes, échelon de proximité, ont donc toute leur place dans la réalisation de cet objectif. L’enjeu essentiel sera celui de la mise en cohérence des politiques publiques au service de l’aménagement du territoire, notamment grâce à la contractualisation : de l’accord de partenariat avec l’Union européenne aux contrats régionaux, ou de territoire.
Réplique de M. Jean Boyer
Madame la ministre, j’ai écouté votre réponse avec attention et j’y décèle une volonté de la part du Gouvernement dans ce domaine. « Là où il y a une volonté, il y a un chemin », dit-on. Mais parfois, vouloir ne suffit pas.
Vous avez évoqué, à la fin de votre propos, les contrats de projets. Cela me paraît fondamental. Les pôles d’excellence rurale, les PER, ont très bien fonctionné dans nos territoires, dans la mesure où ils correspondaient à des projets d’initiative locale et pas à un droit de guichet. Si le Gouvernement avait la possibilité de les relancer, ce serait une excellente chose, car leur action remonte de la base, des acteurs de la France rurale, qui savent distinguer ce qu’il est possible de faire de ce qui ne l’est pas.