Les questions

Culture
17/06/2014

«La poste partenaire des professionnels du livre»

M. Joël Guerriau

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai été saisi par les éditeurs, les bibliothécaires, les libraires mais aussi les auteurs et les illustrateurs mécontents du service appelé « sac de livres », fourni par La Poste, lequel a été convenu avec l’État au titre du soutien à la filière du livre.
Les professionnels de ce secteur effectuent régulièrement des envois de livres par voie postale pour honorer des commandes, mais aussi dans le cadre des collaborations utiles à leur profession. Dans sa démarche de valorisation et de préservation de la lecture et de la culture au sens large, et tenant compte d’une économie du livre très vulnérable, l’État français a mené diverses actions de soutien à la filière du livre. Certaines sont bien connues, comme la loi Lang sur le prix unique du livre. D’autres, en revanche, sont souvent méconnues des professionnels du livre et de l’édition. Parmi ces dernières mesures, La Poste SA a dû proposer un service spécifique pour les éditeurs et libraires, appelé « sac de livres ». Ce service consiste à expédier des colis de livres à des tarifs préférentiels, dans le but de soutenir l’activité des petites et moyennes structures, dont les coûts d’envois postaux, importants, alourdissent considérablement leurs charges. Cette procédure se révèle fastidieuse pour ce qui a trait à la préparation des colis. L’information sur cet accord, quant à elle, a été mal relayée auprès des bureaux de poste, lesquels, bien souvent, ne connaissent même pas l’existence de cette offre. L’information, en effet, est très difficile à trouver auprès des personnels de La Poste, eux-mêmes mal renseignés sur le sujet. C’est à croire que La Poste SA met tout en œuvre pour que ses clients n’utilisent pas ce service ! Les témoignages sont nombreux : les consignes et précautions supplémentaires ne sont pas respectées, et certains sacs de livres ne sont jamais arrivés à destination, ce qui représente une perte sèche pour les éditeurs et les libraires. La valeur de ces colis de livres s’élevait à plusieurs centaines d’euros. Or, même avec un suivi de type « colissimo », service plus coûteux, l’indemnisation n’est ni garantie à hauteur du préjudice ni automatique. Des réclamations ont été faites auprès des services postaux. Ceux-ci se disent profondément désolés de n’avoir pas retrouvé les sacs de livres, mais ne proposent aucune compensation. Reste alors aux réclamants la possibilité d’engager une procédure avec le médiateur du groupe La Poste. Néanmoins, cette médiation semble vouée à l’échec, car l’offre « sac de livres » n’inclut pas de suivi numéroté des colis, pas plus qu’aucune forme d’assurance. En somme, La Poste se fait payer pour un service qu’elle n’effectue pas, ou bien qu’elle rendra peut-être, mais sans aucune garantie ! Le service n’est donc pas à la hauteur des attentes des professionnels, relayées par l’État. Madame la ministre, les professionnels du livre doivent-ils renoncer à cette offre de prix mise en place par le gouvernement français dans l’intérêt de la culture ? Pour perfectionner ce service, pouvez-vous obtenir de La Poste une amélioration indispensable et efficace, en faveur d’une activité qui souffre ?

Réponse de Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l’égalité des territoires

Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Mme la ministre de la culture et de la communication, qui ne peut malheureusement être présente au Sénat ce matin. Je vais néanmoins vous transmettre les éléments de réponse qu’elle m’a communiqués sur ce sujet.
Au cours des dernières années, les professionnels du secteur du livre ont été pénalisés – vous l’avez rappelé – par l’évolution réglementaire ou tarifaire de certains services postaux, qui les ont contraints à recourir aux tarifs classiques de La Poste, alors qu’ils bénéficiaient jusqu’alors de tarifs spécifiques ou économiques. L’offre commerciale dite du « sac de livres » a été créée pour permettre aux éditeurs d’effectuer, à un tarif préférentiel, des expéditions d’ouvrages en nombre et de favoriser ainsi la diffusion et la circulation du livre. Cependant, les dysfonctionnements constatés laissent à penser que La Poste ne met pas actuellement en œuvre tous les moyens nécessaires pour faire connaître des professionnels susceptibles d’en bénéficier l’offre commerciale du « sac de livres » et pour garantir ce service sur l’ensemble du territoire. Aussi, devant ce constat, Mme la ministre de la culture et de la communication s’engage à se rapprocher prochainement du président-directeur général de La Poste, afin de lui demander de prendre toutes les mesures nécessaires, d’une part, pour faciliter l’accès des professionnels du livre au service du « sac de livres », et, d’autre part, pour restaurer une qualité de service satisfaisant et uniforme sur l’ensemble du territoire. Mais, au-delà de cette question, et dans le contexte d’un développement du marché de la vente de livres à distance – marché sur lequel les librairies indépendantes subissent la concurrence d’un opérateur qui dispose de capacités qu’elles n’ont pas pu négocier avec La Poste ou ses concurrents, c’est-à-dire des tarifs postaux extrêmement bas –, il nous semble qu’une réflexion plus globale devrait également être engagée, notamment sur les conditions d’amélioration des services proposés par La Poste aux éditeurs et aux librairies indépendantes, lesquels sont restés fidèles, en majorité, à l’opérateur historique de la distribution postale en France. Le Gouvernement, vous le savez, a le souci de maintenir les conditions d’un équilibre entre les acteurs de la chaîne du livre, seule garantie du maintien de la diversité de la création éditoriale. L’accès des librairies indépendantes au marché de la vente en ligne, d’une part, et le maintien de conditions permettant une diffusion optimale de la production éditoriale des éditeurs, d’autre part, constituent à ce titre des éléments déterminants.

Réplique de M. Joël Guerriau

  Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Nous faisons le même constat. Le secteur du livre connaît en France une situation difficile ; chaque année, les éditeurs et libraires voient leurs ventes baisser : entre 3 % et 9 % sur les trois dernières années.
Il est donc extrêmement important que chaque mesure prise pour les aider, ainsi que les bonnes intentions manifestées par Gouvernement à leur endroit, puissent se traduire concrètement. C’est pourquoi j’insiste, d’abord, sur la nécessité de contraindre La Poste à bien vouloir informer les éditeurs et les libraires de l’existence de ce service, chose qui n’est pas faite aujourd’hui. Il est besoin, ensuite, de rendre possible la traçabilité des colis – c’est le cas avec colissimo –, en les numérotant. Enfin, il est important de garantir que le service, tel qu’il a été proposé aux clients, est bien rendu. Les éditeurs et les libraires comptent beaucoup sur le Gouvernement pour faire respecter cette mesure. Si l’intention initiale était bonne, le dispositif n’est malheureusement pas suffisamment suivi par le Gouvernement. J’espère, dès lors, que Mme la ministre de la culture sera entendue par le président-directeur général de La Poste.