Les questions

Economie et finances
17/04/2014

«L’accès au financement bancaire des petites, moyennes et très petites entreprises»

M. Joël Guerriau

Nous en sommes tous convaincus, dans la bataille pour l’emploi et la croissance, l’un des leviers essentiels qui doit être favorisé est l’accès des PME et des PMI au financement de leurs investissements et à la consolidation de leur trésorerie. Il s’agit là d’un problème récurrent, sans cesse relayé par les chefs d’entreprise qui font vivre le tissu économique de nos territoires. Ils sont tous les jours confrontés aux réticences des banques à prendre des risques à leurs côtés, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre. La mise en place par le Gouvernement de la Banque publique d’investissement, Bpifrance, avait vocation à ouvrir un canal public de financement bancaire à côté du canal traditionnel de la banque privée. Je le rappelle, cette structure a d’abord repris des dispositifs déjà en place, tels que ceux qui existaient au sein d’OSEO ou du Fonds stratégique d’investissement, avant même que soient envisagées de nouvelles propositions d’accompagnement. La loi relative à la création de la Banque publique d’investissement précise clairement la mission de soutien de l’institution publique aux PME. Quel bilan peut-on faire après plus d’un an d’existence de cet établissement ? Deux difficultés majeures nous sont sans cesse rapportées dans nos départements. En premier lieu, Bpifrance se positionne trop souvent en concurrente des banques plutôt qu’en alliée des entreprises. En ciblant prioritairement les entreprises qui n’ont pas de difficulté d’accès au crédit, elle tendrait à évincer les banques privées. En second lieu, les garanties mises en place par Bpifrance en complément des prêts bancaires sont assorties de tels délais d’entrée en application que les établissements bancaires n’y ont recours que pour des entreprises à la situation historiquement saine. En conséquence, elles bénéficient insuffisamment à des entreprises récentes, innovantes, ou connaissant des difficultés passagères. Monsieur le ministre, comment cet établissement public pourrait-il mieux soutenir les PME et les PMI de nos régions ? Ne pourrait-on pas, par exemple, réduire les délais que je viens d’évoquer ? Comment parvenir à un meilleur respect par Bpifrance des objectifs fixés par l’article 1er de la loi du 31 décembre 2012 ?

Réponse de M.Arnaud Montebourgministre

Monsieur le sénateur, je ne pense pas que la BPI soit une concurrente menaçante pour les banques. Sa taille est équivalente à celle d’une caisse régionale du Crédit agricole. Dès lors, je ne crois pas qu’elle puisse menacer le chiffre d’affaires de BNP Paribas, de la Société générale, ou d’autres…
En réalité, les banques attendent que la BPI intervienne. Or elle a été conçue comme une banque plus patiente et moins gourmande que les établissements privés. Loin des 12 % qui permettent au président exécutif de BNP Paribas d’augmenter sa rémunération de 10 % cette année encore, ou des 12 % à 14 % exigés par le secteur bancaire privé pour distribuer des dividendes en veux-tu en voilà, son taux de retour sur investissement est inférieur de quatre points à celui de la Banque postale ! La BPI est donc une banque originale, atypique. Elle doit bien sûr rester rentable, car il est hors de question de revivre la mésaventure du Crédit lyonnais : que ceux qui pourraient avoir des inquiétudes soient rassurés. Elle n’évince personne. Elle n’est en concurrence qu’avec les établissements qui refusent le risque et qui sont nombreux au portillon, je peux vous l’assurer ! Heureusement que la BPI est là ! Cependant, selon les parlementaires, les élus, la BPI ne prendrait pas assez de risques. Mais il appartient au banquier d’équilibrer et de mutualiser les risques dans son portefeuille. Monsieur Guerriau, je vais proposer aux banques qui se plaignent auprès de vous de suppléer les défaillances éventuelles de la BPI. Nous verrons bien leur réaction… Il ne faut pas inverser l’ordre des priorités. Cela étant, eu égard au bilan de la BPI, vous devriez, mesdames, messieurs les sénateurs, auditionner son directeur général : il mène une politique ultra-volontariste. Il est le bras armé du redressement productif, de la reconstruction de notre économie, laquelle a été très abîmée au cours de ces années de crise. Il prévoit une augmentation des encours pour ce qui concerne les prêts de développement de 31 % pour cette année, contre 6 % l’année dernière. Voilà une responsabilité assumée. Je le répète : je vous invite à engager directement une discussion avec les dirigeants de la BPI. Il est d’ailleurs normal que les élus discutent, interpellent et contrôlent, car il s’agit d’argent public et de politique publique. Cette banque est un bien public, qui appartient à tous les Français. J’espère que vous l’aurez entendu ainsi.

Réplique de M. Joël Guerriau

Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec beaucoup d’attention et je m’interroge. J’ai souligné qu’il ne pouvait y avoir de concurrence entre la BPI et les banques privées pour les entreprises solvables, pour reprendre les termes que vous avez utilisés. Il doit y avoir une complémentarité.
Par ailleurs, je trouve que les propos que vous avez tenus sont de nature à opposer deux mondes. Vous pointez souvent un doigt accusateur vers les banques privées, considérant qu’elles sont des adversaires et non des alliés dans la bataille pour la croissance. Je rappelle tout de même que les banques sont soumises à des lois et à des réglementations très dures, résultant notamment de la crise financière de 2008. Afin de respecter ces obligations, elles se montrent plus frileuses et hésitent à prendre des risques. Selon moi, nous devons davantage être dans une logique de complémentarité entre Bpifrance et secteur bancaire. Monsieur le ministre, vous devez soutenir des mesures en faveur des entreprises solvables, sur lesquelles tout le monde sera d’accord, mais également en faveur des autres. Je pense en particulier à la question, soulevée à plusieurs reprises, des crédits de trésorerie, qui sont une véritable bouffée d’oxygène dans les périodes où les contrats manquent et où les entreprises ont des difficultés pour résister.