Les débats

Pierre Medevielle, Olivier Cadic, Jean-Marie Janssens 17/01/2018

«DÉBAT : UNE CRISE EN QUÊTE DE FIN - QUAND L'HISTOIRE BÉGAIE»

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M. Olivier Cadic . - Dix ans après, la crise n'en finirait pas de finir, selon M. Collombat. Une drôle d'impression se dégage de ce rapport. La crise de 2008 était financière avant d'être économique, elle résulte de l'éclatement d'une bulle spéculatrice. Cela se reproduira, nous nous habituerons. Paradoxalement, selon M. Collombat, nous ne devrions pas craindre un nouveau krach financier mais plutôt un embrasement social et politique qui serait le contrecoup de la crise de 2008. Ce « saut quantique » ne peut se comprendre qu'en exhumant le soubassement idéologique du raisonnement : la finance est la superstructure, les rapports de force économiques sont l'infrastructure. Voilà bien une analyse marxiste ! La finance en soi n'est ni un bien ni un mal mais un outil pour financer l'économie. Depuis dix ans, les Français se sont détournés de la bourse ce qui réduit les possibilités de financement des entreprises. Que compte faire le Gouvernement pour développer l'actionnariat populaire ? 


Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État. - Le Gouvernement est attaché à ce que les entreprises françaises soient bien financées. Leur taux d'obtention de crédits est bon ; en revanche, il y a des améliorations à faire pour renforcer les fonds propres des entreprises, en particulier des TPE et des PME. C'est l'objet du plan pour la croissance et la transformation des entreprises, le Pacte, préparé par Bercy pour améliorer le financement des entreprises, en particulier, en capital. Nous proposons une meilleure orientation de l'assurance-vie vers les placements longs, un développement de l'épargne-retraite, des mesures pour faciliter l'actionnariat salarié et la reprise d'entreprise par les salariés.


M. Pierre Médevielle . - Merci à M. Pierre-Yves Collombat pour son rapport. La crise est-elle terminée ? Pas du tout, dit-il. Je serai plus nuancé : la situation s'est améliorée en France et la croissance a repris depuis 2014 pour se stabiliser autour de 1 %. Plus fondamentalement, la finance n'a guère changé. La loi bancaire de François Hollande, dont l'ennemi était pourtant la finance, concernerait 0,75 % seulement des revenus des grandes banques. Une nouvelle crise est inéluctable, tous les experts le disent. Les solutions sont connues : séparer les activités spéculatives et de financement de l'économie, interdire les activités trop spéculatives. Ces mesures n'ont rien de révolutionnaire, les États-Unis les ont prises avec le Dodd-Frank Act de 2010. Qu'entendez-vous faire, Madame la Ministre ?

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État. - Certes, les États-Unis ont jadis séparé le régime des banques de dépôt de celui des activités d'investissement. Aujourd'hui, ce sont les activités pour compte propre des banques qui sont isolées dans leur bilan. La loi bancaire française de 2013 adopte une approche analogue, en cantonnant les activités spéculatives dans des filiales dédiées.


M. Jean-Marie Janssens . -  Je salue à mon tour le travail remarquable de Pierre-Yves Collombat. Après la crise exceptionnelle de 2008, voilà un nouvel outil porteur de risques : le bitcoin et les crypto-monnaies qui n'existent que sur le réseau informatique, sans intermédiaire. Cette nouvelle monnaie qui changera peut-être l'histoire doit être prise en compte. S'agit-il d'une bulle spéculative ou d'une nouvelle révolution ? (M. Roger Karoutchi, président de la délégation, en doute.)

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État. - En effet, la valorisation des crypto-actifs est spectaculaire. Leur essor est dû à la technologie de la blockchain. Aujourd'hui, la capitalisation totale de ses actifs est de 700 milliards de dollars contre 20 milliards de dollars début 2017. Des enjeux de régulation se posent, ainsi que des questions sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. La volatilité de ces monnaies étant très forte, les non-professionnels doivent s'en méfier. Nous travaillons en lien avec l'Allemagne et l'Italie. Nous avons commandé un rapport à M. Landau pour travailler sur ces sujets en G20.