Les débats

Elisabeth Doineau, Olivier Cigolotti, Nassimah Dindar 17/01/2018

«DÉBAT : PRISE EN CHARGE DES MINEURS ISOLÉS»

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Mme Élisabeth Doineau . - Merci, Madame Assassi, d'avoir demandé ce débat sur un sujet auquel M. Godefroy et moi-même avons consacré un rapport. Nous avons rencontré tous les acteurs, y compris les jeunes. Ce rapport démontre que nous pouvons, ensemble, trouver un chemin pour donner du sens à notre politique d'accueil.  Chaque jour, cinquante jeunes arrivent sur notre territoire. Les services sont saturés, le personnel des conseils départementaux à bout. Depuis ce rapport, j'ai alerté les pouvoirs publics, interrogé la garde des sceaux, rencontré Mme Gourault et travaillé avec l'Uniopss (Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux). Il faudrait une formation spécifique, diplômante, pour les agents départementaux, qui ont une expertise... Je vous renvoie à mon rapport. Il faut avancer sur ce sujet. 

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - J'aimerais beaucoup que vous veniez me présenter votre rapport, que j'ai lu, afin de parler de vos propositions.


Mme Nassimah Dindar . - Je veux revenir sur la situation de Mayotte. La délégation d'autorité parentale aux proches ne pourrait-elle faciliter le tutorat des enfants en vue de leur scolarisation ? Les problèmes de santé sont préoccupants, les jeunes doivent payer 10 euros pour être pris en charge à l'hôpital. L'ordonnance de 2015 sur les mineurs et les femmes enceintes est difficile à mettre en oeuvre. L'État ne pourrait-il accorder un financement exceptionnel au conseil départemental pour une mise en place rapide de l'ASE ? Mayotte n'a pas encore de foyer de l'enfance, car cela prend du temps. Mayotte, où la moitié de la population a moins de 18 ans, est le département le plus pauvre et le plus inégalitaire de France. Elle compte plus de 40 % d'étrangers, dont la moitié sont mineurs, mais 39 % des étrangers y sont nés. Beaucoup d'enfants sont sans papiers, sans parents, et tout le monde s'en moque. Toutefois, le président de la République a annoncé qu'il ne voulait pas de confusion entre la politique d'immigration et l'aide aux mineurs isolés. Ne pourrait-on s'inspirer de l'expérimentation territoriale menée dans les régions Pays de la Loire et Bourgogne ? Autre piste : un accord avec les Comores, sur le modèle de l'accord passé en 2003 avec la Roumanie. 

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Le constat est partagé ; pour vous répondre précisément, il me faudrait étudier ces hypothèses. Selon l'association Solidarité Mayotte, il y a entre 3 000 et 6 000 mineurs non accompagnés à Mayotte, dont seule une infime partie est prise en charge par l'ASE. Beaucoup de jeunes sont sans référent adulte et les structures d'accueil sont très insuffisantes. Cette question est cruciale en matière sanitaire et de cohésion sociale. Toutefois, l'application stricte de la loi de 2016 semble difficilement réalisable. Il faut un traitement singulier. La délinquance pénale est très importante, souvent associée aux mineurs isolés : un centre éducatif renforcé sera ouvert en 2018. Cela ne remplace pas une politique d'accueil des mineurs non accompagnés.


M. Olivier Cigolotti . - En Haute-Loire, on compte 110 mineurs non accompagnés, dont 86 ont été pris en charge en 2017. Nous répondons à leurs besoins vitaux, mais l'accompagnement social et l'intégration professionnelle restent limités. Pour avoir dirigé un établissement d'accueil des mineurs isolés, je sais leur motivation et leur souhait d'être rapidement autonomes. Ils ont souvent une réelle capacité d'adaptation dans les secteurs demandeurs de l'industrie, du bâtiment ou de l'hôtellerie. Le dispositif Hébergement, orientation, parcours vers l'emploi (HOPE) de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) enregistre de très bons résultats. L'accompagnement par l'ASE doit faire l'objet d'une réflexion axée sur l'insertion professionnelle. 

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - L'école est un droit pour tous les enfants sur le territoire national et les académies prennent en charge ces élèves. Mais la scolarité classique ne répond en effet pas toujours à leurs attentes. Il faut évaluer leur niveau scolaire pour leur proposer un dispositif de formation adapté. Je travaillerai avec Mme Pénicaud, M. Blanquer et l'Assemblée des départements de France pour proposer des formations courtes, professionnalisantes.