Les questions

Agriculture et pêche
13/02/2014

«Les pratiques et réalités agricoles et code de la propriété intellectuelle»

M. Aymeri de Montesquiou

Monsieur le ministre, chacun le sait, la France est le premier producteur européen et le deuxième exportateur mondial de semences. Notre pays a une position particulière sur la brevetabilité du vivant. En effet, pour les semences, le système actuel de certificats d’obtention végétale convient à tous les acteurs, agriculteurs comme semenciers, grâce à la législation de 2011. Pourtant, pour ce qui est des OGM, le dogmatisme l’emporte. La culture en est presque totalement interdite, mais on importe et on consomme du soja transgénique.
Où est la cohérence ? Cette schizophrénie est totalement hypocrite.
Les grandes entreprises semencières françaises ont dû délocaliser leur recherche à l’étranger, surtout aux États-Unis, nos principaux concurrents. Cela induit une perte de savoir-faire et d’emplois, ainsi qu’un risque d’exclusion des marchés des semences.
La recherche agricole et agroalimentaire devrait être une priorité, notamment à travers l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, laboratoire d’excellence qui nous ouvre les applications pratiques d’une recherche éthique et encadrée. Faut-il laisser les brevets sur les végétaux aux multinationales américaines ? Monsieur le ministre, comment pourrez-vous nous défendre dans les négociations sur l’accord transatlantique ? Les enjeux sont évidemment considérables : il s’agit de l’avenir alimentaire de la planète. Ne prenez-vous pas le risque de nous couper des marchés internationaux par dogmatisme ? Comment comptez-vous amender votre projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, que notre assemblée examinera prochainement par notre assemblée, pour que celui-ci ne nous coupe pas de la recherche, de l’innovation et de la prospective ?
 

Réponse de M. Stéphane Le Foll, ministre

Monsieur le sénateur, j’ai commencé cette séance de questions cribles thématiques en nous invitant mutuellement à éviter les caricatures. Votre question prouve que des progrès restent à faire ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Si ce que vous dites était vrai, la France serait-elle aujourd’hui le premier producteur de semences d’Europe, ainsi que le troisième producteur de semences et le premier exportateur de semences du monde ? Nous devons tout de même être objectifs et examiner la situation avec pragmatisme et réalisme. Les fameux organismes génétiquement modifiés, souvent vantés par certains, constituent-ils l’enjeu du marché mondial de la semence ? Si c’était le cas, notre pays n’occuperait pas la place qui est actuellement la sienne. Il la doit d’ailleurs non pas à de grandes firmes internationales dont on entend souvent parler et qui viennent d’outre-Atlantique, mais à un tissu de PME-PMI efficace, qui répond à des objectifs extrêmement précis.
Il ne sert à rien de retourner sur le passé ; nous devons au contraire nous projeter vers l’avenir et lancer les débats en conséquence.
Faisons en sorte de comprendre les enjeux qui nous attendent à l’échelle mondiale et d’y répondre : le défi alimentaire, la prise en compte de la préservation des ressources naturelles et notre capacité à augmenter notre production agricole. Tout le monde en est d’accord. Dès lors, les OGM résistant à tel ou tel herbicide sont-ils la réponse à ces défis ?
J’en doute, d’autant que la réalité me donne plutôt raison.
Que se passera-t-il demain ? Je tiens à le dire ici, au Sénat : une page va se tourner. La question des OGM de la première génération va devenir obsolète et la recherche scientifique va ouvrir d’autres potentialités. Cela étant, je ne remets pas en cause la pertinence des recherches génétiques. Je souligne seulement que la page des OGM résistants aux herbicides et des OGM pesticides va se tourner.
Une autre va s’ouvrir. Je pense en particulier aux débats sur le riz doré et sur l’amélioration du niveau de vitamine A dans un certain nombre de céréales. Voilà un sujet qui répond à un enjeu d’intérêt général et non pas un enjeu de profits particuliers.
Je le répète : une page se tourne. Écrivons la nouvelle, ensemble. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Réplique de M. Aymeri de Montesquiou

Monsieur le ministre, je ne sais pas qui fait des caricatures ! Si je souhaite que l’INRA soit chargé de cette recherche éthique et encadrée, c’est parce que je constate que nous menons ces recherches à l’étranger, faute de pouvoir les faire en France. Je constate également que nous importons des semences que nous n’avons pas le droit de produire. Nous sommes là, à l’évidence, face à un paradoxe. Monsieur le ministre, ni vous ni moi ne sommes des défenseurs forcenés d’un système ou d’un autre. Force est de reconnaître que certains interdits qui touchent nos semences risquent de nous couper d’un marché international considérable.