Les questions

Affaires sociales
Catherine Morin-Desailly 12/07/2011

«La pénurie de chirurgiens-dentistes en haute-normandie »

Mme Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaitais aujourd’hui attirer votre attention sur la pénurie de chirurgiens-dentistes dans la région où je suis élue, la Haute-Normandie. Le 1er juillet dernier, lors de la discussion générale de la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, j’ai déjà eu l’occasion de rappeler que la lutte contre les déserts médicaux devait être une priorité nationale absolue. Aujourd’hui, c’est par un exemple concret que je souhaite revenir sur ce problème. La Haute-Normandie, qui se classe au dernier rang – j’y insiste – des régions françaises en termes de densité en chirurgiens-dentistes, compte 650 chirurgiens-dentistes en exercice, soit 36 praticiens pour 100 000 habitants, alors que, je le rappelle, la moyenne nationale est de 59 praticiens pour 100 000 habitants. Certains cantons sont encore moins favorisés. Ainsi, au Havre, la densité est de 3,8 pour 10 000 habitants. En outre, 14 cantons de la région, qui se compose de deux départements, la Seine-Maritime et l’Eure, sont totalement dépourvus de chirurgien-dentiste. Plus inquiétant encore, la situation risque de s’aggraver puisque, selon les projections, 30 % des dentistes auront plus de 60 ans d’ici à 2015 et un départ à la retraite sur deux ne sera pas remplacé. Pour l’heure, avec le soutien du conseil régional, il est prévu l’ouverture d’un centre de formation et de soins dentaires de dix fauteuils à l’hôpital Saint-Julien à Petit-Quevilly, qui dépend du centre hospitalier universitaire, le CHU, de Rouen, pour l’accueil d’une vingtaine d’étudiants de cinquième année et de sixième année d’odontologie de l’UFR de Lille. Je rappelle que le financement de la région est conditionné par l’engagement de l’ouverture d’un département d’odontologie en Haute-Normandie. Si nos démarches locales apportent des débuts de réponse, nous ne pourrons répondre seuls au manque de chirurgiens-dentistes. L’engagement de l’État est donc primordial. De fait, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous m’indiquer quelles sont les dispositions que le Gouvernement entend prendre pour remédier à ce problème de manière pérenne et structurelle ? Envisagez-vous, par exemple, de relever le numerus clausus, afin de permettre à un nombre supérieur d’étudiants de s’orienter vers la spécialité de chirurgien-dentiste ? Enfin, où en est le projet d’un département d’odontologie à la faculté de médecine de Rouen, qui a été inscrit, je le rappelle, dans le contrat de projets État-région 2007-2013 ?

Réponse du ministre

Mme Nora Berra, secrétaire d’État auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de la santé. Madame la sénatrice, je vous remercie d’attirer l’attention de la représentation nationale sur cette problématique si importante pour nos concitoyens. Vous le savez, ma priorité est de veiller à ce que chaque Français puisse accéder à une offre de soins de qualité, quels que soient son lieu de résidence et ses moyens. Les chiffres que vous produisez concernent les seuls chirurgiens-dentistes exerçant à titre libéral. Il convient, par conséquent, d’y ajouter les chirurgiens-dentistes salariés. Les données sont alors moins défavorables, puisque la région compte 721 chirurgiens-dentistes au 1er janvier 2009. Il n’en reste pas moins vrai que la situation est préoccupante. C’est la raison pour laquelle l’agence régionale de santé soutient, depuis l’origine, la décision prise par le doyen Freger de créer un centre de soins dentaires qui aura deux antennes situées, l’une, au groupe hospitalier du Havre, et l’autre, au CHU de Rouen. Ce projet représente un engagement financier important pour les deux centres hospitaliers, ainsi que pour l’agence régionale de santé, qui en assument l’investissement et les coûts de fonctionnement. Ce centre accueillera ses premiers étudiants de cinquième année et de sixième année de faculté dentaire dès le mois de septembre prochain pour l’antenne de Rouen et en janvier 2012 pour l’antenne du Havre. Au bout de quelques mois, ce seront ainsi vingt étudiants qui se formeront en Haute-Normandie. L’université, l’agence régionale de santé et les centres hospitaliers mettront ensuite tout en œuvre pour que ces étudiants prennent la décision d’exercer leur profession en Haute-Normandie. Ce dispositif est concret et immédiatement opérationnel. Il aura un effet d’entraînement sur la mise en œuvre à bref délai d’un département d’odontologie complet à la faculté de médecine ainsi que le prévoit l’annexe au contrat de projet État-région 2007-2013 que vous mentionniez, madame la sénatrice. Cette pénurie de chirurgiens-dentistes en Haute-Normandie n’est donc pas liée en tant que telle à un problème de numerus clausus, mais est bien rattachée à l’absence en Haute-Normandie d’un enseignement dentaire : c’est à ce problème que la création d’un centre de soins apporte une réponse pragmatique.

Réplique de Mme Catherine Morin-Desailly

Madame la secrétaire d’État, je vous remercie d’avoir précisé de nouveau les étapes de la mise en œuvre d’un département complet d’odontologie à la faculté de médecine de Rouen, projet absolument nécessaire dans une région telle que la nôtre. C’est à ce prix que nous pourrons, je l’espère, améliorer la situation. Nous sommes extrêmement attentifs au rééquilibrage entre les dotations attribuées à Paris et à l’Île-de-France et celles attribuées à nos régions. Je rappelle que le CHU de Rouen est un bon élève puisqu’il a résorbé son déficit budgétaire plus vite que prévu et bien plus rapidement que d’autres. Il a néanmoins besoin d’un accompagnement renforcé dans le cadre du plan Hôpital 2012 pour offrir à nos concitoyens les services qu’ils sont en droit d’attendre, dans un souci d’égalité, notamment, avec la capitale. Nous serons donc très vigilants, madame la secrétaire d’État, quant au respect des engagements que vous avez pris relativement à la création d’un département de la faculté de médecine de Rouen consacré à la formation des chirurgiens-dentistes.