Les débats

Affaires étrangères et coopération
François Zocchetto 09/11/2011

«Débat sur le G20»

M. François Zocchetto, Président du Groupe Union Centriste et Républicaine

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous traversons une période trouble. La croissance économique des pays développés pâtit encore des effets de la récession de 2009 et nous subissons de plein fouet l’impact de la crise des dettes souveraines. Le chômage mondial atteint des niveaux jamais mesurés. Le prix des matières premières, comme celui des denrées alimentaires de base, tend à devenir si volatil qu’il met en péril la survie quotidienne de millions de personnes à travers le monde. Un tel climat est propice à la montée de tensions politiques, voire militaires, au sein des pays les plus fragilisés du monde. Et pourtant, dans un sens radicalement contraire aux évènements des années trente, les puissances de ce monde sont parvenues, même au plus fort de la crise économique, à travailler ensemble vers davantage d’ouverture et de stabilité mondiale. Le G20 représente 90 % de la population mondiale et 80 % de la production annuelle. C’est un forum ouvert, accordant une place majeure aux grands pays émergents qui s’imposent au centre du débat : la Chine, l’Inde et le Brésil. Depuis la première réunion du G20, au niveau des chefs d’État, le 15 décembre 2008, d’importants progrès ont été réalisés dans les modalités de gouvernance mondiale. Le sommet de Cannes des 3 et 4 novembre derniers en atteste. Jamais la question de la réforme du système monétaire international n’avait été poussée aussi loin depuis le sommet de la Jamaïque, qui a marqué l’acte de décès du système de convertibilité issu de la lointaine conférence de Bretton Woods. Jamais la question de la dimension sociale de la mondialisation n’avait pris une telle ampleur. La France s’est honorée en parvenant à mener une présidence aussi efficace, d’ailleurs saluée par l’ensemble des membres du G20. Notre pays a tenu son rang de premier plan au sein du concert des nations. Je tiens donc, monsieur le ministre, au nom du groupe de l’Union centriste et républicaine, à saluer l’action du Gouvernement et le travail qu’il a réalisé à cette occasion. Le G20 a clairement annoncé qu’il mettrait la mondialisation au service des besoins de la population mondiale. Ses membres se sont engagés à faire respecter le plus largement possible les huit conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail. Un cap a été fixé : il s’agit de doter la plus grande partie de la population mondiale de garanties minimales de protection sociale. La situation aux États-Unis et en Chine n’est certes pas satisfaisante, puisque la majeure partie de leurs populations ne bénéficie pas de mécanismes de protection sociale. Beaucoup reste donc à faire en la matière, et même tout, oserais-je dire, pour ce qui concerne la Chine. Du temps s’écoulera avant que les standards sociaux de ces pays ne soient comparables aux nôtres. Nous avons tout à gagner, soyons-en convaincus, à l’aboutissement d’une telle démarche. La mise en place d’un système de protection sociale en Chine contribuera à alimenter sa demande intérieure et la dissuadera de s’engager dorénavant dans des entreprises de dumping social. Nous pouvons même rêver d’un système dans lequel la compétition commerciale tendra davantage à une compétition des produits plutôt qu’à une course au moins-disant social. Autre sujet d’importance : la réforme du système monétaire international. Le G20 a fait en la matière d’importantes annonces, qui constituent l’aboutissement de plus de dix-huit mois de travaux et de négociations internationales. Le groupe des Vingt s’est mis d’accord pour renforcer les capacités d’action du Fonds monétaire international, dont la réforme sera étendue vers une plus large représentativité. Autant dire que la suprématie du dollar devra faire une place à l’euro comme au yuan. La Chine s’est d’ailleurs engagée dans la voie d’un pilotage plus responsable de sa politique monétaire, de manière à rapprocher la parité de sa monnaie de ses fondamentaux économiques. L’équation est simple, selon nous : la croissance et la prospérité grandissante de la Chine doivent conduire à une appréciation de sa monnaie par rapport aux autres devises internationales. Nous ne devrons pas relâcher notre vigilance quant à la réalisation de cet objectif. Le groupe de l’Union centriste et républicaine approuve grandement ces initiatives, et nous vous encourageons sincèrement, monsieur le ministre, à poursuivre dans cette voie. Votre démarche concorde en effet avec nos convictions les plus profondes, qui tendent à l’instauration dans l’économie mondiale d’une justice et d’une équité renforcées. Cela étant, le sommet de Cannes a été entaché, et en partie détourné de son agenda officiel, par les prolongements récents de la crise de la zone euro. M. Georges Papandréou n’est pas passé loin de déclencher la crise de trop. Nous ne pouvons cependant pas nous féliciter du retrait de son projet de référendum, car celui-ci ne suffit pas à nous rassurer. La situation sociale en Grèce est en effet plus que préoccupante. La jeunesse grecque se résigne à un avenir fait d’austérité ou se prépare à l’exil. Le taux de suicide a été multiplié par deux. La violence gagne les rues et les consciences. Nous n’ignorons pas les difficultés terribles que la Grèce affronte. Pour autant, M. Papandréou aurait mieux fait d’organiser ce référendum au cours de l’année passée, dès mai 2010. Une telle annonce, faite à l’issue d’un cycle aussi serré de négociations entre les plus hautes instances de l’Union européenne et les créanciers de la Grèce, aurait pu nous conduire à un désastre généralisé. Notre continent se serait alors dirigé vers des territoires encore inconnus, et nous en aurions tous été les victimes. Le mal est en partie déjà fait. L’Italie emprunte sur les marchés à près de 7 %, ou peut-être plus à l’heure où je parle. Son gouvernement a été si ébranlé que le Président du Conseil, Silvio Berlusconi, a d’ores et déjà annoncé qu’il démissionnerait, une fois voté le dernier train de mesures d’assainissement des finances italiennes. L’Italie, déjà acculée à des difficultés majeures du fait d’un endettement supérieur à 120 % de son PIB, cherche désespérément à garantir sa crédibilité auprès de ses créanciers. Si je rappelle ces récents événements, c’est pour mieux définir le contexte dans lequel le G20 s’est déroulé. Cette situation n’est en rien stabilisée. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le monde avance et s’organise chaque jour un peu plus, chaque jour un peu mieux. Notons bien que la crise de la zone euro a manqué, et manque encore, de nous exclure de cette marche vers une mondialisation plus responsable et plus soucieuse des populations, vers ce monde plus stable auquel nous aspirons tous. Il ne tient qu’à nous de nous hisser au niveau des exigences de notre temps. L’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, puis du projet de loi de finances, nous donnera l’occasion de débattre encore des moyens de nous hisser au niveau de ces exigences. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)