Les débats

Olivier Cadic, Jean-Marie Mizzon 02/10/2019

«DÉBAT : INTELLIGENCE ARTIFICIELLE : ENJEUX POLITIQUES, STRATÉGIQUES ET ÉCONOMIQUES»

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  • Olivier Cadic . - La Chine ne reconnaît pas les droits de l'homme et la démocratie comme des valeurs universelles. Elle a construit un cybermur pour imposer un contrôle social de sa population. Elle utilise l'intelligence artificielle à des fins de contrôle social à très grande échelle. Chaque citoyen et entreprise dispose d'un capital initial de mille points. En fonction de leur comportement et fréquentations, ils gagnent ou perdent des points. Les « mauvais citoyens » sont sujets à des restrictions médicales, d'accès à l'emploi et peuvent faire l'objet de traitements humiliants. Leur portrait est ainsi affiché parce qu'ils auraient un retard de paiement ou auraient jeté un mégot par terre... Cette dictature 5G utilise les routes de la soie pour diffuser ses technologies, à l'image de Huawei, qui a vendu des technologies de surveillance à plus de cinquante pays. Envisagez-vous de restreindre l'accès de Huawei ou d'Alibaba à notre pays ? Est-ce que notre pays dispose d'un plan pour nous protéger des pratiques intrusives chinoises susceptibles de menacer à terme nos libertés ?
  • Cédric O, secrétaire d'État. - Distinguons le défensif de l'offensif. Certaines technologies développées sur des valeurs autres que les nôtres doivent être prises en compte au niveau européen. Les Chinois sont meilleurs que nous en matière de reconnaissance faciale. Mais nous ne pouvons pas accepter une distorsion de concurrence fondée sur une éthique autre que la nôtre. Dans le monde du numérique où les usages s'imposent et où il n'y a qu'un seul moteur de recherche, il faut aussi que nous nous mettions en capacité de faire émerger nos propres leaders.
  • Olivier Cadic. - Je vous parle de la Chine et vous me parlez de Google et de Twitter, qui ne sont pas autorisés en Chine. Comment pouvez-vous croire que nos leaders y auraient accès ? La question est celle de la réciprocité dont nous devrions appliquer le principe à l'envers : si nos entreprises sont interdites en Chine, les entreprises chinoises doivent l'être dans l'Union européenne. Posons-nous la question de savoir dans quel monde nous voulons vivre.


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  • Jean-Marie Mizzon . - En 2015, le Gouvernement présentait ses grandes lignes concernant l'intelligence artificielle, à laquelle il consacrera plus de 600 millions d'euros, pour des doctorants ou quelque 40 chaires. Ce programme ne semble pas à la mesure de la concurrence internationale. Demain, des machines autonomes pourraient prendre le contrôle de nos données pour nous exclure et former une élite. Les machines ont désormais des capacités d'apprentissage profond. Elles peuvent analyser des quantités immenses de données. Pourquoi ne pas s'engager davantage ? Les Français le comprendraient et rejoindraient notre médaille Fields, Cédric Villani, qui réclame une réflexion pour défendre la responsabilité humaine, éviter les discriminations et définir un meilleur partage des tâches entre humain et machine.
  • Cédric O, secrétaire d'État. - Le programme national de recherche a pour objet de constituer un réseau attractif, mettre en place des outils, recourir à des partenariats entre le public et le privé, et augmenter le nombre de doctorants et de chaires. Ce plan avance très bien. Aujourd'hui s'ouvrait l'Institut « Prairie » de Paris. Les chaires seront portées à près de 200 en intelligence artificielle. L'appel à projets de l'Agence nationale de la recherche (ANR) a reçu 450 réponses. Nous pourrons avoir une discussion en aparté sur le deuxième sujet, trop vaste...