M. Jean Arthuis
Monsieur le ministre, la PAC fait peser de lourdes menaces sur l’élevage dans la mesure où elle laisse en l’état la répartition des aides au travers des DPU.
Le risque de clivage atteint son paroxysme puisque, en matière de revenus, les céréaliers et les éleveurs ne jouent pas dans la même cour. Les premiers bénéficient du marché mondial et de prix ayant sensiblement progressé, en dépit des inflexions récentes. En revanche, les éleveurs sont soumis à l’impérialisme de la grande distribution, qui, sous l’étendard de la défense des consommateurs, tire les prix vers le bas, alors même que ces derniers doivent faire face à une hausse des tarifs des aliments, à base de céréales, que consomment leurs animaux.
Au surplus, notre compétitivité est en cause. C’est si vrai que, contre toute attente, l’Allemagne vient de détrôner la France dans la plupart des productions. N’est-il pas temps de rechercher les raisons de cette rétrogradation ? Faut-il rappeler, monsieur le ministre, que l’heure de travail d’un ouvrier dans un important abattoir de porcs, en Mayenne, comparée à ce qui se pratique chez notre voisin allemand, revient à dix euros de plus ?
Dans ces conditions, au-delà de l’élevage, ce sont les emplois dans l’industrie agroalimentaire qui vont disparaître. Tous les indices confirment en effet une tendance dont je récuse la fatalité : au niveau des exploitations agricoles, le basculement de l’élevage vers les céréales ; au niveau des entreprises de transformation, la fermeture d’abattoirs et de laiteries, ainsi que la suppression d’emplois.
Si la PAC nécessite des inflexions significatives, l’urgence appelle, certes, la recherche de convergences entre l’Allemagne et la France, notamment la fixation d’un salaire minimum, comme vous l’avez relevé précédemment.
Mais la France ne peut attendre de l’Europe qu’elle mette en œuvre des réformes structurelles que les gouvernements successifs n’ont pas eu le courage de décider : réduction des charges sociales, taxation des produits et non plus de la production – permettez-moi d’évoquer la TVA sociale, dite encore TVA « compétitivité » ou « anti-délocalisation » –, abrogation des 35 heures, simplification des normes et accélération des procédures de délivrance des autorisations de construire des structures d’élevage.
Les éleveurs ont besoin de perspectives claires et encourageantes. La disparition de l’élevage, c’est la perte d’emplois et la disparition du bocage. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC. – M. Joël Labbé applaudit également.)
M. Stéphane Le Foll, ministre.
Votre propos devait sans doute concerner les salariés.
Concernant la question de la compétitivité, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi s’applique en particulier, je l’ai dit, dans les industries de main-d’œuvre, ce qui est le cas des abattoirs.
La masse salariale est la base sur laquelle on applique ce crédit d’impôt, qui débouche sur une baisse des coûts de production de 4 % la première année et de 6 % la deuxième. Vous le savez, il sera financé en partie par des économies sur la dépense publique et en partie par de la TVA ; ce point fera l’objet d’un débat qui sera prochainement engagé au Sénat et dans le cadre de la loi de finances.
Nous partageons donc cet objectif, dont personne ne nie la nécessité de gagner en compétitivité. Concernant l’écart de rémunération au niveau du SMIC, nous sommes favorables à sa diminution, mais elle dépendra du vote des Allemands. En revanche, concernant la directive relative au détachement des travailleurs, nous devons œuvrer au niveau européen, car il est difficile d’accepter l’application qui en est faite actuellement.
Ensuite, vous avez dit que l’élevage et les céréales formaient deux mondes ayant des équilibres distincts. Dans un certain sens, c’est vrai, mais on peut, dans un autre sens, le contester : le lait fait aussi l’objet d’un marché international, certaines de nos grandes entreprises exportent du lait en poudre. Il demeure, certes, un énorme désavantage en termes de rentabilité du capital investi et de productivité du travail au détriment de l’élevage. Je le disais tout à l’heure, une unité de travail annuel dans l’élevage représente 55 hectares, contre 200 hectares, voire plus, pour les exploitations céréalières. La productivité y est donc beaucoup plus importante.