Les questions

Agriculture et pêche
François Zocchetto 01/02/2011

«Les conséquences de l’interpellation de la directive européenne de l’eau sur les ouvrages hydrauliques anciens»

M. François Zocchetto

Mme Catherine Morin-Desailly (en remplacement de M. François Zocchetto) : Monsieur le président, je souhaite, au nom de mon collègue François Zocchetto qui est malheureusement retenu en région, attirer l’attention du Gouvernement sur la directive européenne connue sous le nom de DCE 2000 et sur les conséquences de l’interprétation de cette directive sur les ouvrages hydrauliques anciens. L’objectif, au demeurant louable, d’un retour au bon état écologique de nos rivières pour 2015 s’accompagne d’une circulaire ministérielle du 25 janvier 2010, qui désigne l’ensemble des aménagements de nos rivières comme coupables du mauvais état écologique actuel. Cette analyse paraît un peu rapide et partisane. Elle met en péril les seuils, biefs, moulins et barrages et, par là même, ce qui constitue le patrimoine de nos campagnes. Si certaines infrastructures peuvent représenter des obstacles à la continuité écologique, il ne faudrait pas qu’une lecture dogmatique de la directive conduise à la suppression systématique de tous les ouvrages au nom d’une idéologie et au détriment de la biodiversité, de l’équilibre hydraulique naturel et de l’identité de nos territoires. La libre circulation des poissons, l’évacuation des sédiments et la préservation des zones humides sont des objectifs partagés par tous, mais les moyens de les réaliser divergent. Tirons un enseignement des années soixante-dix, marqués par des remembrements excessifs, voire « sauvages », et des aménagements modernistes de nos barrages. Il ne faudrait pas se laisser imposer une vision unique qui consisterait à appliquer sans distinction aucune un remède identique à tous les ouvrages hydrauliques : la suppression ! S’il est incontestable que certains ouvrages peuvent ou doivent être détruits, d’autres méritent d’être conservés et restaurés. Enfin, n’oublions pas que les moulins, qui émaillent le territoire français, constituent un potentiel d’énergie renouvelable non négligeable. Pour toutes ces raisons, M. Zocchetto souhaite savoir si le Gouvernement a bien conscience des conséquences de cette interprétation de la directive et connaître les mesures envisagées.

Réponse du ministre

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Madame la sénatrice, la directive-cadre sur l’eau impose d’appréhender la qualité de l’eau du point de vue non plus seulement chimique, mais également écologique. Cette nouvelle dimension implique une réorientation partielle de la politique de l’eau en France vers une meilleure prise en compte des incidences de nos actions sur la circulation des espèces aquatiques et les transports sédimentaires. Vous le savez, on estime que les barrages et endiguements seraient responsables de quelque 50 % du risque de ne pas atteindre l’objectif d’un bon état écologique des eaux en 2015. La restauration de la continuité écologique est donc indispensable au respect des objectifs de la directive. Toutefois, aucune réponse générale de principe, dans un sens comme dans l’autre, ne peut être apportée à la question du maintien ou non des barrages présents dans les rivières. C’est pourquoi le Gouvernement a lancé, en novembre 2009, le plan national de restauration de la continuité écologique, dont la mise en œuvre progressive et hiérarchisée est encadrée par la circulaire du 25 janvier 2010. Celle-ci fixe les priorités d’intervention, qui sont fondées sur l’enjeu majeur de la protection des cours d’eau notamment pour les grands migrateurs, la réponse aux objectifs et aux programmes de mesures des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, les SDAGE, et les gains écologiques attendus pour l’atteinte du bon état évoqué à l’instant. Le plan de restauration de la continuité écologique ne saurait être réduit à un plan d’effacement systématique des moulins. Dans l’esprit du Grenelle de l’environnement, la circulaire fixe un objectif de 1 200 ouvrages dont l’influence sur la continuité écologique doit être prioritairement supprimée, soit par un aménagement, soit par un démantèlement d’ici à 2012. Cet objectif est à rapprocher des 60 000 ouvrages recensés sur les cours d’eau métropolitains, dont environ 10 % seulement ont un usage aujourd’hui identifié. La circulaire ne prône évidemment pas une solution identique pour tous les ouvrages. Elle préconise au contraire des mesures hiérarchisées, concertées, adaptées au cas par cas, et visant en priorité le maintien des ouvrages, notamment lorsqu’ils sont hydroélectriques. L’arasement n’est qu’une solution parmi d’autres, réservée en priorité aux ouvrages abandonnés ou sans usage. La circulaire insiste également sur l’importance de la prise en charge des opérations de restauration de la continuité écologique à l’échelle d’un cours d’eau par une collectivité publique, facilitant ainsi une approche globale et la conciliation plus adaptée des interventions sur chaque barrage. Selon les témoignages des élus locaux porteurs de ces opérations, la concertation, l’information, l’écoute des riverains et des propriétaires ont été à chaque fois privilégiées et sont considérées comme indispensables à la réussite de ces projets. De nombreuses expériences diversifiées en matière de restauration de cours d’eau ont déjà eu lieu. Elles sont toutes détaillées dans un recueil d’expérience sur l’hydromorphologie réalisé par l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA, et accessible sur le site Internet de ce dernier. La consultation de ces expériences par les acteurs intéressés devrait apporter des réponses à la plupart des questions qu’ils se posent.