DANS LES MÉDIAS

LE MONDE : "Présidence de groupe : le Sénat choisit la continuité"
Hervé Marseille 28/09/2017

Le Parti socialiste et La République en marche ont reconduit leurs présidents

Alexandre Lemarié
Deux élus socialistes discutent debout dans un coin, deux autres de droite s'entretiennent assis sur un fauteuil doré, en catimini... Tous chuchotent, à distance des oreilles indiscrètes, sur l'épaisse moquette rouge de la salle des conférences du Sénat, en essayant de s'accorder sur une orientation politique, une alliance ou l'attribution d'un poste. Pas de grande déclaration, ni de formule choc, comme cela peut être le cas à la salle des Quatre-Colonnes de l'Assemblée nationale.  Au Palais du Luxembourg, où les négociations sont reines et la recherche du consensus un art, les grandes manoeuvres ont démarré depuis le renouvellement partiel de dimanche. Dans une ambiance feutrée, les sénateurs multiplient les consultations et les entrevues pour former les groupes politiques et désigner leur président, à la suite du scrutin qui a vu la droite renforcer sa domination tandis que La République en marche (LRM) a échoué à élargir ses effectifs, dimanche 24 septembre. Ligne constructive  Le principal point d'interrogation concernait les socialistes, divisés à cause de profondes divergences stratégiques. Mardi 26 septembre au matin, plusieurs membres du groupe n'excluaient pas une scission entre ceux qui veulent être dans une démarche constructive à l'égard d'Emmanuel Macron, autour de Didier Guillaume, et une aile plus à gauche incarnée par l'ex-ministre Laurence Rossignol et le sénateur du Doubs, Martial Bourquin.  A l'issue de longues réunions toute la journée de mardi, le groupe a finalement réélu Didier Guillaume à la tête du groupe PS dès le premier tour (avec 36 voix sur 70) face à ses deux rivaux. Les partisans d'une ligne constructive vis-à-vis de M. Macron l'ont donc emporté face aux tenants d'une opposition plus franche. Un dénouement qui n'allait pas de soi : plusieurs sénateurs socialistes reprochent à M. Guillaume d'être trop aligné sur les positions du chef de l'Etat. A la mi-journée, une majorité s'était d'ailleurs prononcée pour se situer « dans l'opposition à la majorité sénatoriale et pas dans la majorité présidentielle . Mais cela n'a pas empêché, pour autant, la réélection du sénateur de la Drôme, à la tête du groupe depuis 2014. Même continuité chez les communistes, qui devraient réélire leur présidente sortante, Eliane Assassi (Hauts-de-Seine), en fin de semaine.  Du côté de LRM, François Patriat a été réélu sans surprise président du groupe, mardi. Malgré la contre-performance de ses ­troupes dimanche, ce fidèle de la première heure du chef de l'Etat a été acclamé par la vingtaine d'élus macronistes, qui ont salué son « travail remarquable », avant de le désigner à l'unanimité. Le sénateur de Côte-d'Or, qui avait créé le groupe En marche! fin juin, s'efforce désormais de recruter des élus venant d'autres groupes - des constructifs de LR ou du PS, ainsi que des centristes et des radicaux - pour étoffer ses effectifs.  Les radicaux, justement, ont élu le sénateur du Lot Jean-Claude Requier, président du groupe RDSE, qui réunit essentiellement des élus du Parti radical de gauche et apparaît comme un potentiel soutien de M. Macron.  Quant à l'Union centriste, elle a désigné le sénateur UDI des Hauts-de-Seine, Hervé Marseille, comme son nouveau président du groupe, succédant à François Zocchetto qui, atteint par la loi sur l'interdiction du cumul des mandats, a privilégié son mandat de maire de Laval. Ancien vice-président du Sénat, M. Marseille était le seul candidat après les renoncements de Vincent Capo-Canellas (Seine-Saint-Denis) et Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin), qui se situaient sur une ligne plus constructive vis-à-vis de M. Macron. « Nous allons affirmer une position au Sénat entre LR et la majorité présidentielle », confie le nouveau patron des centristes du Sénat, se disant « ni dans l'opposition » au gouvernement « ni en marche .  Du côté des Républicains (LR), qui constitue le premier groupe de la majorité sénatoriale avec les centristes depuis 2014, Bruno Retailleau est quasiment assuré d'être réélu président du groupe, mercredi, faute de remplaçant crédible. Sans rival connu, il est pourtant contesté en interne par plusieurs de ses collègues qui lui reprochent d'être le principal artisan de la défaite de la droite à la présidentielle. « C'est quand même lui qui nous a mis dans le mur en soutenant Fillon jusqu'au bout », observe un sénateur LR.  « J'ai fait campagne sur une ligne et pas pour me mettre à l'abri », se défend M. Retailleau. Fin tacticien, il promet de mener « une opposition exigeante et intelligente » face à M. Macron, et pas une opposition frontale. Une manière de donner des gages aux partisans d'une ligne modérée et de répondre aux velléités d'indépendance des sénateurs, qui avaient soutenu Bruno Le Maire ou Alain Juppé.  Non-cumul  Après avoir déposé les statuts de leur association, les sénateurs LR de tendance modérée n'ont pas encore officialisé la création d'un groupe constructif au Sénat. La juppéiste Fabienne Keller a même donné l'impression de faire machine arrière dimanche soir, en indiquant que deux pistes étaient à l'étude : la création d'un groupe dissident ou d'une amicale à l'intérieur du groupe LR. Mais celle-ci n'est plus en première ligne pour piloter la naissance de ce groupe, dont le nom serait « République et territoires (Les indépendants) .  A la manoeuvre se trouve désormais le sénateur de l'Allier, Claude Malhuret, qui multiplie les consultations pour arriver à obtenir l'accord de dix élus. « Le groupe est toujours en cours de constitution avec un bon espoir d'arriver au seuil requis », confie-t-il, en précisant avoir la garantie de compter « au moins neuf élus . Sa démarche est contrée par Gérard Larcher et Bruno Retailleau, qui se démènent pour dissuader des LR tentés de franchir le Rubicon.  Reste une inconnue majeure : le nombre de sénateurs qui figurera, in fine, dans chaque groupe. Les effectifs bougent d'heure en heure car ils dépendent des négociations en cours. Un autre facteur rend les équilibres très mouvants : la règle du non-cumul des mandats, qui oblige les sénateurs disposant d'un mandat exécutif local, à se déterminer d'ici son application, le 1er octobre. La répartition des élus ne sera gravée dans le marbre que le 3 octobre, lorsque chaque groupe aura déposé la liste de ses élus au bureau du Sénat.