DANS LES MÉDIAS

LES ECHOS : "Diffusion du cinéma : le Sénat tape du poing sur la table"
Catherine Morin-Desailly 28/07/2017

La Chambre haute veut adapter les fenêtres de diffusion des films à la demande des consommateurs, quitte à devoir légiférer.

NICOLAS MADELAINE
La commission de la Culture et de la Communication du Sénat a émis des propositions de réforme de la chronologie des médias et menacé la filière de légiférer si ses représentants ne trouvaient toujours pas d'accord d'ici à la fin de l'année. L'enjeu est d'adapter la diffusion du cinéma français aux nouveaux modes de consommation, notamment en vidéo par abonnement (SVaD), dans un contexte où la concurrence que se livrent Netflix et les Gafa, entre autres, met en péril toute la logique de financement du cinéma français par les chaînes de télévision. Catherine Morin-Desailly (Union centriste), présidente, et Jean-Pierre Leleux (Les Républicains), estiment que le législateur en a l'autorité, ne serait-ce que parce qu'il peut entériner des avantages pour les acteurs « vertueux » en matière de financement du cinéma.  « La transposition prochaine dans la loi française de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels pourrait fournir le véhicule législatif ad hoc » , a précisé Catherine Morin-Desailly. Plusieurs propositions d'aménagement de ces fenêtres de diffusion des films, qui déterminent leur financement, devraient faire vivement réagir la filière, chacun ayant potentiellement beaucoup à perdre dans un contexte, au mieux, de stagnation des revenus. Et ce, même si ne pas s'adapter est également suicidaire. Aujourd'hui, il y a à peu près consensus sur l'idée d'avancer la prochaine fenêtre de diffusion d'un film quand le maillon précédent (chaîne payante, chaîne gratuite, SVaD...) ne diffuse pas l'oeuvre (les « fenêtres glissantes »). Dans ce cadre, la commission propose qu'il soit possible d'avoir des films en vidéo à l'acte (pas par abonnement) dès trois mois après la sortie en salles au lieu de quatre. Elle souhaite, en outre, que la dérogation permettant aux films qui ne marchent pas en salles de sortir très rapidement en vidéo à l'acte puisse être activée par un feu vert du Centre national du cinéma (CNC) et représenter jusqu'à la moitié des films sortis. Aujourd'hui, cette dérogation n'est presque pas utilisée.  Non au « day and date »  La commission suggère ensuite l'avancement à six mois après leur sortie en salles de la diffusion des films sur la télévision payante (au lieu de dix), ce qu'avait proposé Maxime Saada, le DG de Canal, en octobre. Elle préconise enfin  « une fenêtre plus favorable pour les platesformes de vidéo par abonnement » , de type Netflix, « vertueuses » . Elle pourrait se rapprocher des fenêtres des chaînes de télévision et,  « pour les plates-formes qui investissent autant [dans le cinéma, NDLR]  que les chaînes payantes, des conditions d'exploitation comparables » pourraient être aménagées. La commission s'oppose par ailleurs au « day and date », très demandé par les studios, notamment aux Etats-Unis, c'est-à-dire à la possibilité de sortir les films en salle et en même temps en vidéo, quitte à ce que ce soit à un prix élevé.  « Ce serait contre-productif », estime Jean-Pierre Leleux. Elle estime également que ses propositions ne font pas le jeu de Canal+.  « La chaîne n'est pas d'accord avec les fenêtres glissantes ni avec l'avancement de la fenêtre de la SVaD », dit Jean-Pierre Leleux.  Enfin, la commission précise que cette réforme de la chronologie des médias dépend d'avancées sur les sujets connexes, comme la possibilité de diffuser des publicités pour le cinéma sur les chaînes en clair, lesquelles seraient, autrement, réticentes. Ainsi que la lutte contre le piratage, sur lequel le gouvernement « doit sortir de l'ambiguïté du précédent quinquennat » , dit Catherine Morin-Desailly. En tout cas, Jean-Pierre Leleux note que la loi création de 2016 a fixé à juillet 2018 l'échéance de la chronologie des médias actuelle.