DANS LES MÉDIAS

LE MONDE : "Sénat : la droite progresse, LRM rate le coche"
Hervé Maurey 26/09/2017

Les Républicains et les centristes renforcent leur majorité, alors que le parti de Macron ne fait pas la percée attendue

Alexandre Lemarié et Manon Rescan
L' « ancien monde » fait de la résistance au Sénat. Quatre mois après l'élection d'Emmanuel Macron à l'Elysée et l'acquisition de la majorité à l'Assemblée nationale, le Palais du Luxembourg a résisté à l'irruption de La République en marche (LRM) dans la vie politique française.  A l'issue des élections sénatoriales du 24 septembre, qui ont renouvelé 171 sièges sur un total de 348, la droite - Les Républicains (LR) et leurs alliés centristes - renforce sa majorité, le Parti socialiste sauve les meubles, LRM réalise une contre-performance, les communistes sauvent leur groupe... Le rapport de force qui se dessine ne préjuge pas pour autant du nombre d'élus qui composera les différents groupes. Dimanche soir s'est en effet ouverte une semaine de tractations pour définir la répartition des sénateurs. Même si des mouvements ne sont pas à exclure, la droite reste assurée de conserver la majorité sénatoriale qu'elle détient depuis 2014. Le groupe LR, présidé par le filloniste Bruno Retailleau, pourrait totaliser 159 sénateurs, quand le groupe en comptait 142 avant le renouvellement. Comme prévu, le corps électoral - composé à 96 % de conseillers municipaux, issus des élections de 2014 - lui a été favorable. Parmi les ex-ministres qui seront présents au Sénat figurent Roger Karoutchi, réélu dans les Hauts-de-Seine, ainsi que Marc-Philippe Daubresse et Edouard Courtial qui font leur entrée dans la seconde chambre parlementaire.  « Premier échec de Macron »  Avec 50 sièges, contre 42 précédemment, les centristes voient également leurs positions renforcées. Des scores suffisants pour assurer à la droite et au centre la majorité absolue, qui est de 175 sièges au Palais du Luxembourg. « Les grands électeurs ont conforté la majorité sénatoriale », s'est réjoui le président sortant, Gérard Larcher. Seul candidat à sa succession au « plateau », le sénateur LR des Yvelines, lui-même réélu dans son fief, est quasiment assuré de rester à la tête de l'institution. Laquelle est en passe de s'imposer comme le seul contre-pouvoir institutionnel au pouvoir d'Emmanuel Macron. Réélu à Paris, le sénateur LR Pierre Charon promet « un Sénat d'opposition, contrairement à l'Assemblée nationale . Comme au Palais-Bourbon, le groupe LR devrait toutefois cohabiter avec un groupe dissident, des sénateurs juppéistes s'apprêtant à créer un groupe Constructif.  La République en marche, elle, manque son pari. La formation de M. Macron, qui avait 19 sièges renouvelables sur les 29 qu'elle comptait avant le scrutin, ressortirait avec un total de 25 sénateurs. Le groupe présidé par François Patriat termine quatrième. Loin des ambitions initiales de celui qui espérait finir deuxième avec une cinquantaine d'élus.  « Je ne dirais pas que c'est un succès », a-t-il concédé, soulignant que LRM partait avec un handicap de taille : née après les municipales de 2014, la formation ne compte aucun élu local. Une contre-performance qui peut aussi s'expliquer par l'impopularité de M. Macron et la déception suscitée chez les élus locaux par les annonces concernant les collectivités. A droite comme à gauche, plusieurs élus en ont profité pour charger le président.  « On assiste au premier échec d'Emmanuel Macron (...), j'espère que le résultat de ce soir va amener le gouvernement à écouter le Sénat et sa majorité », a lancé Hervé Maurey, sénateur centriste de l'Eure, tandis que l'ex-ministre Laurence Rossignol, réélue sénatrice PS de l'Oise, a vu dans le résultat un « vote avertissement » adressé à M. Macron. Avec le faible score de LRM et le probable maintien des centristes dans la majorité sénatoriale avec LR, il devient désormais compliqué pour M. Macron d'obtenir une majorité des trois cinquièmes du Parlement réuni en Congrès pour faire adopter ses réformes constitutionnelles. Pour y parvenir, les macronistes tablent toutefois sur un rapprochement avec des élus centristes, radicaux, socialistes ou LR Constructifs, éventuellement en créant un intergroupe. Mais si cette majorité des trois cinquièmes du Parlement s'avérait inatteignable, M. Macron serait contraint d'organiser un référendum - potentiellement périlleux pour le pouvoir en place - afin de faire valider une réforme de la Constitution.  Défaits à la présidentielle et décimés aux législatives, les socialistes, eux, relèvent la tête. Le groupe présidé par Didier Guillaume - qui avait prévu de perdre des sièges en raison du corps électoral, qui lui est défavorable - qui pourrait totaliser environ 70 sièges. Ce qui placerait le PS à un niveau légèrement inférieur à celui qui était le sien avant le renouvellement (86 sièges).  Socialistes écartelés  Plusieurs ténors du parti ont été élus dimanche, dont l'ex-ministre Patrick Kanner dans le Nord ou le numéro deux du parti, Rachid Temal, dans le Val-d'Oise. Mais le spectre de la division guette. Une réunion doit avoir lieu mardi pour décider de la ligne politique du premier groupe d'opposition au Sénat. Les socialistes sont écartelés entre ceux qui veulent être dans une démarche constructive à l'égard du président de la République, autour de Didier Guillaume, et une aile plus à gauche incarnée par Marie-Noëlle Lienemann, réélue dimanche soir.  La ligne défendue par cette dernière pourrait davantage se rapprocher de celle que les communistes continueront à incarner au Sénat. Un temps menacé de disparaître, ils sont en effet parvenus à faire élire huit sénateurs, dimanche soir, ce qui va leur permettre d'atteindre le seuil pour garder un groupe. « Nous serons le coeur de l'opposition à la politique d'Emmanuel Macron au Sénat », promet Pierre Laurent, réélu à Paris. Les discussions des prochains jours pourraient en outre aboutir à l'élargissement de leur groupe à quelques écologistes, dont le groupe a disparu au mois de juin.  Les frontistes resteront, eux, au nombre de deux. Christopher ­Szczurek, candidat dans le Pas-de-Calais, était le mieux placé au Front national pour être élu, et il a été battu. Un nouvel échec pour le parti d'extrême droite qui, comme La République en marche, souffre d'un nombre encore insuffisant d'élus locaux pour s'installer au Palais du Luxembourg.