DANS LES MÉDIAS

Huffington Post - Aymeri de Montesquiou - Syrie: le bon sens, réponse à la complexité
23/09/2013

Huffington Post - Aymeri de Montesquiou - Syrie: le bon sens, réponse à la complexité

La communauté internationale a sa part de responsabilité sur la dégradation de la situation en Syrie, ses protestations ont été bien timides au regard des 100.000 morts de cette guerre civile. Il y a près de 2 ans et demi, les manifestations du peuple n'étaient qu'une protestation contre le régime auxquelles celui-ci a répondu par une répression sanglante et nous n'avons pas réagi. Aujourd'hui, elle se transforme en guerre de religion interne à l'islam, entre chiites et sunnites. Notre inaction ne doit pas persuader la Syrie, ou d'autres régimes massacreurs, que notre passivité leur confère l'immunité. Il est difficile de convaincre en utilisant deux poids deux mesures. Qu'avons-nous fait après les massacres de Sabra et Chatila par les milices chrétiennes avec l'appui des forces israéliennes, le bombardement de Gaza avec des obus au phosphore à l'usage interdit, le massacre de tous les hommes des villages kurdes de Kobani, Tarakani et Afrin par des rebelles syriens ? Rien. De plus, la découverte de gaz sarin en possession d'opposants syriens en Turquie crée une incertitude quant à l'imputation de l'utilisation des gaz en Syrie. On peut imaginer un accord des cinq membres permanents sur une action autre que militaire.
L'organisation d'une conférence internationale, où s'exprimeraient Europe, Etats-Unis, Russie, est possible depuis la formulation de la proposition russe. C'est une occasion pour l'Europe, puissance méditerranéenne, d'affirmer son existence politique. Le président Hollande doit demander une réunion des chefs d'Etat et de gouvernement européens, elle ne peut lui être refusée. Il est possible de geler le conflit, comme Roland Dumas l'avait obtenu des Nations Unies en 1993 pour le Kurdistan irakien, en établissant une zone d'exclusion aérienne qui empêcherait toute action par des avions ou des hélicoptères du régime. Cette exclusion doit être contrebalancée par l'arrêt de livraison d'armes aux belligérants. Tenir des élections dans un pays déchiré par une guerre civile paraît illusoire. Mais, des élections dans le cadre d'un gel du conflit et avec le plus intense contrôle international, sont possibles. Elles permettraient alors de connaître la réalité des aspirations de toutes les composantes du peuple syrien. Les Alaouites, 10% de la population, soutiennent le régime par solidarité religieuse et par conviction. Les Chrétiens, les Druzes, les Kurdes et de très nombreux Sunnites, qui représentent une importante part de la population, refusent le salafisme et ses outrances meurtrières. Les salafistes et les volontaires islamistes d'Al-Qaïda sont peut-être minoritaires dans l'opposition, mais leur violence et leur fanatisme les convainquent que Dieu est avec eux, que le pouvoir leur est destiné et ils le prendront. On ne peut se passer du dialogue avec les deux acteurs clés de la région, la Russie et l'Iran. La Russie a toujours condamné l'utilisation des gaz, pourquoi soutient-elle le régime de Bachar-el-Assad ? Parce que c'est le seul pays de la Méditerranée avec lequel elle entretient des rapports aussi étroits et c'est à Tartous que se situe sa seule base navale en dehors de son territoire. De plus, elle refuse de prendre le risque que le salafisme ne se rapproche du Caucase. La proposition russe de contrôler les stocks chimiques et de les détruire est de celles qu'on ne peut refuser. Les Syriens sont totalement dépendants des Russes, les pays qui sont opposés aux frappes applaudissent, la France et les Etats-Unis y trouvent une porte de sortie honorable. L'Iran est indissociable de la solution des conflits au Moyen-Orient. Le Hezbollah, partie prenante du gouvernement libanais en est dépendant, le gouvernement irakien subit sa très forte influence. Le croissant chiite, qui comprend de plus la région pétrolière stratégique de Dharan sur la côte est de l'Arabie Saoudite, est une réalité. L'inflexion tangible de la politique iranienne est un élément nouveau et très important qui dépasse le cadre régional. Le président Rohani ne défend pas la même politique extérieure que son prédécesseur. Les déclarations de l'ex-président Rafsandjani, qui a contribué à son élection, sur le gazage du peuple syrien l'illustre. Sa volonté de parler à l'Occident existe, il nous appartient de la saisir pour faire évoluer la situation politique régionale. Si nous l'ignorions et préférions la force, les plus extrémistes à Téhéran reprendraient la main. On peut imaginer des scénarios désastreux : le Hezbollah agit non seulement en Syrie mais peut-être aussi en Israël ; les Chiites d'Arabie Saoudite s'insurgent, le détroit d'Ormouz est bloqué, provoquant, comme pendant la guerre du Kippour, une hausse considérable et immédiate des prix du pétrole et un cataclysme économique en Europe et en Asie. J'ajoute que pour donner plus de poids au rôle de maintien de la paix et de défense des droits de l'homme de l'ONU, il faut accroître l'effet dissuasif de la Cour Pénale Internationale en exigeant la ratification de son Statut par les membres permanents du Conseil de Sécurité. Au-delà des enjeux géopolitiques, l'urgence absolue est humanitaire. Notre premier devoir est envers les réfugiés. Il y a 2 millions de réfugiés syriens, essentiellement en Jordanie et au Liban, deux pays incapables de faire face à l'afflux d'une telle misère. Avec leur accord, la création de zones neutres sécurisées par des forces de l'ONU sur leurs frontières, permettraient d'éviter une propagation de la violence, qui servirait le régime d'Assad. L'Union européenne doit engager un effort financier considérable pour aider la Croix Rouge internationale et les organisations humanitaires à faire face. Il nous appartient d'agir avec responsabilité et dignité pour que les malheurs de ces populations désemparées et martyrisées ne nous soient pas aussi imputés. Lire la tribune d'Aymeri de Montesquiou sur le site du Huffington Post