DANS LES MÉDIAS

LE FIGARO : "Terrorisme : l'Europe peine à colma ter les brèches"
Nathalie Goulet 19/08/2017

L'échange de renseignements s'améliore, mais le partage de fichiers et de techniques de protection sur l'espace public patine

Cornevin, Christophe, Leclair, Agnès
 
PARIS, NICE, Berlin, Londres, Stockholm et maintenant Barcelone frappées au coeur... Poursuivant sa stratégie des « mille entailles » , l'État islamique vient d'infliger un énième coup de boutoir à une Europe qui peine à fourbir la riposte. Face à la menace, les 28 pays de l'Union tentent de gommer leurs intérêts contradictoires pour mieux calibrer la réplique antiterroriste.  «  Depuis le 13 novembre 2015, les échanges d'informations entre les services se sont intensifiés , observe Alain Rodier, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R).  Pendant trop longtemps, il fallait attendre deux voire trois jours avant qu'un « tuyau » soit considéré, traduit et exploité. Des circuits courts ont maintenant été mis en place pour mutualiser l'information. » Europol, instance policière de coordination, tente de monter en puissance avec la création depuis janvier 2016 d'un Centre européen de contre-terrorisme. Son objectif, précise un récent rapport sénatorial, est de «  faire en sorte que les États membres se réunissent plus souvent afin de partager des informations et de travailler en confiance » . Du chemin reste à accomplir : alors que quelque 5 000 Européens ont rallié Daech, Europol n'a enregistré que 2 959 noms, 90 % des informations étant fournis par cinq États seulement.  Pour des raisons structurelles qui font que Bruxelles ne peut rien imposer à ses États membres souverains dans le domaine régalien, l'attelage européen avance en ordre dispersé. Parfois même, il renâcle à l'image de cette réunion sur les combattants volontaires, au printemps 2016, où des ministres de l'Intérieur de l'UE - dont la France ou l'Allemagne - s'étaient fait représenter. Ce qui avait alors consterné le ministre belge Ian Jambon, déplorant que «  plusieurs pays bloquent l'idée d'une grande base de données pour toute l'Europe » . Dimitris Avropoulos, commissaire aux Affaires intérieures, a averti : «  Cela empêche de lutter contre les terroristes et nous rend vulnérables. » Conscient que le système est perfectible, le coordinateur européen pour la lutte contre le terrorisme Gilles de Kerchove a de son côté remis un rapport plutôt sévère. Il observe en particulier que «  plusieurs sinon tous les terroristes de Paris et Bruxelles étaient connus des services de police (..), ce qui démontre l'importance de fournir aux banques de données des informations de qualité et de préciser la menace représentée par les individus signalés » .  Après un interminable retard à l'allumage, le fichier européen PNR (Passenger Name Record) des données passagers s'est quant à lui perdu dans les limbes, empêtré dans des problèmes techniques tandis que plusieurs pays n'ont même pas voté le cadre légal qui doit permettre son fonctionnement. La France a donc décidé de forger son propre PNR national. Il ne concernera plus seulement les compagnies aériennes et s'étendra aux voyagistes et aux exploitants de navires, sachant que la plupart des terroristes n'ont jamais pris l'avion avant de passer à l'action.  Plots et câbles anti-intrusion  «  Les règles de droits ne sont pas les mêmes d'un pays à l'autre, ce qui pose un problème d'harmonisation dans la lutte contre le terrorisme , convient de son côté Nathalie Goulet, présidente centriste (UDI-UC) de l'Orne et vice-présidente de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.  Sans aller jusqu'à une utilisation du renseignement à outrance comme le fait Israël, il faut réfléchir à une évolution de nos systèmes légaux » .  R este à régler la délicate question de la défense passive, remise au jour après l'attentat des Ramblas. Unies dans la compassion, les grandes villes sont-elles suffisamment soudées face aux attaques ? Vendredi, le maire de Nice, Christian Estrosi, a invité ses homologues des villes européennes à rejoindre la réunion sur la lutte contre le terrorisme, qui se tiendra dans sa commune les 28 et 29 septembre. La mutualisation des expertises, l'adaptation des nouvelles technologies à la prévention ou la mise en place de programmes de recherche communs seront en discussions. «  Les actions de terrorisme low-cost se multiplient et les villes sont en première ligne. Il ne s'agit pas de se substituer aux compétences régaliennes de l'État mais les communes et leurs maires doivent s'imposer comme des partenaires incontournables dans le débat sur les actions à mener en matière de défense et de lutte antiterroriste. Ceux qui gèrent ces espaces publics ne peuvent pas être tenus à l'écart » , martèle Christian Estrosi.  Depuis le drame de Nice, la promenade des Anglais a changé de visage. Installation de plots et de câbles anti-intrusion, renforcement de la vidéosurveillance, distribution de boutons d'alerte... : la commune a investi 30 millions d'euros dans sa sécurité.  « La facture a été payée par la ville, avec des subventions de la région, mais non par l'État qui participe seulement à la marge pour l'équipement en caméras de vidéosurveillance »  , souligne le maire. Pour aider les villes à faire face à ces aménagements, le maire de Nice propose la création d'un fonds européen, à l'exemple du plan Juncker sur l'innovation.  Comme Nice, toutes les villes touchées ont musclé leur dispositif de protection. Londres, visée par plusieurs attaques en 2017, notamment sur le London Bridge, a équipé plusieurs ponts de barrières pour empêcher les véhicules de monter sur le trottoir.