DANS LES MÉDIAS

Tribune de Nathalie Goulet dans Le Huffington Post : "Le premier Ambassadeur auprès des géants du web est Danois"
Nathalie Goulet 13/02/2017

Personne ou presque n'a vu passer cette information, engluée que nous sommes dans les affres de la campagne électorale.

Personne ou presque n'a vu passer cette information, engluée que nous sommes dans les affres de la campagne électorale. Pendant ce temps le Danemark vient de nommer un ambassadeur du numérique auprès des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Le Danemark envoie un ambassadeur auprès d'un secteur privé "apatride" sans domicile FISC (selon l'heureuse formule d'Eric et Alain Bocquet) les GAFA, monde parallèle sans frontières, sans racines et sans autre logique (et c'est bien normal pour une entreprise privée) que le profit. L'envergure de ces entreprises peut être comparée en terme d'économie à celle d'un pays moyen, et si Apple était un pays, ses bénéfices le placeraient aux portes du G20... l'endettement et le chômage en moins! Les ambassadeurs thématiques La notion d'ambassadeur thématique n'est pas nouvelle et je me suis souvent inquiétée de la réalité de leurs missions, considérant que pour certains, les postes n'étaient en fait que des faveurs faites à des amis en mal d'exotisme... La France a d'ailleurs elle aussi un très discret ambassadeur thématique dans ce même domaine: le "représentant spécial de la France pour les négociations internationales sur la société de l'information et l'économie numérique" Monsieur David Martinon. Pourquoi dans ces conditions la démarche danoise peut-elle interpeller? Parce que pour la première fois un Etat délègue un ambassadeur directement auprès d'un secteur privé. Les enjeux du numérique Cette nomination doit nous pousser à une réflexion de fond sur notre vision de l'avenir. L'Avenir sera numérique ou il ne sera pas. Ces compagnies sont au cœur de notre quotidien, dont elles en connaissent les moindres détails. Depuis les différentes attaques terroristes et la montée en puissance de la radicalisation sur le net, elles ont pris une part importante dans la lutte contre ce fléau en adaptant leurs politiques aux contraintes de la sécurité. Les fournisseurs d'accès sont, on le sait, au cœur des dispositifs de retrait des contenus illicites ou violents, et leurs actions de coopération active avec les services de sécurité sont saluées par tous. Les algorithmes, qui sont leurs secrets de fabrique, seront de plus en plus centraux dans les recherches de sécuriser l'internet ou de le contrôler. Il en est de même en matière de lutte contre la cybercriminalité... Outre ces aspects purement sécuritaires on pense immédiatement à l'aspect économique et fiscal. La mise en place chaotique de la "taxe google", la difficulté d'adapter notre fiscalité aux nouveaux modes de consommation, les difficultés aussi pour le législateur moyen de comprendre les mécaniques de ces groupes multinationaux, appellent à une nouvelle vision de nos rapports avec eux. La démarche du Danemark me semble de ce point de vue particulièrement intéressante. Nouvelle guerre de l'obus et du blindage, il est évident que le monde numérique ira toujours plus vite que le législateur national ou européen. Il est aussi évident que ce monde prendra de plus en plus d'importance dans notre quotidien et qu'il est grand temps de nouer des relations de confiance avec ces géants du net qui, qu'on le veuille ou non régissent nos vies. Cette démarche innovante va dans le sens de l'histoire C'est sans doute un tournant dans la façon dont nous devons envisager les relations diplomatiques. Mais tout bien considéré, avec le nombre d'états faillis ou sans gouvernance, l'impotence des Nations Unies et leurs incapacités à élaborer ou à protéger un droit international moribond, les lenteurs de la politique européenne bouffie de normes, et le choc du Brexit... les Danois pragmatiques ont choisi d'établir une ligne directe avec les GAFA, qui sont un Etat dans l'Etat. Je n'y vois pour ma part aucun renoncement à une quelconque souveraineté, ni un mépris de la diplomatie traditionnelle.Je n'y vois qu'une mesure de bon sens pour établir et conforter des relations avec le monde des majors de l'internet et de la haute technologiequi ont entre leurs mains notre quotidien dès que nous ouvrons les yeux et concomitamment notre smartphone.