DANS LES MÉDIAS

LE MONDE : Tribune - Pour un libre choix de son assurance par l'emprunteur
Pierre Medevielle 09/12/2017

Seize parlementaires de tous bords politiques s'élèvent contre la tentative du lobby bancaire de bloquerla concurrence en matière d'assurance des prêts

Collectif

La loi du 21 février 2017 a ouvert à tout emprunteur la faculté de résilier chaque année le contrat d'assurance souscrit à l'occasion de la conclusion d'un emprunt immobilier. Déjà applicable aux offres de prêt émises à partir du 22 février 2017, ce droit sera étendu à partir du 1er janvier 2018 à tous les contrats d'assurance en cours d'exécution à cette date. Cette mesure en faveur des consommateurs a été votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale et le Sénat. 
Pourtant, aujourd'hui, le Conseil constitutionnel est saisi au moyen d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à la suite de l'intervention de la Fédération bancaire française, qui tente de faire annuler la disposition applicable aux stocks et donc la rétroactivité. L'audience doit avoir lieu lundi 11 décembre. Dans ces circonstances, nous souhaitons rappeler, en tant que parlementaires et sur une base transpartisane, l'importance de cette mesure pour le droit des consommateurs comme pour l'intérêt général.
Nous sommes régulièrement saisis des difficultés rencontrées par nos administrés, pour lesquels un réel changement de pratiques est essentiel. Au moment où il conclut un crédit, un particulier doit en effet souscrire une assurance intervenant en garantie de son emprunt. Cette obligation est une garantie pour l'emprunteur mais également pour le prêteur puisque l'assurance permet de rembourser le crédit en cas d'aléa (décès, invalidité, perte d'emploi...). 
L'assurance emprunteur est un marché en rapide expansion qui représente des montants considérables : 8,8 milliards d'euros de primes en 2016, dont 6,5 milliards pour les seules assurances de crédit immobilier. Pendant plusieurs décennies, l'emprunteur a été contraint de souscrire le contrat d'assurance proposé par la banque prêteuse, sans qu'aucun choix ne lui soit en pratique offert. Cette position dominante a permis aux banques de bénéficier de marges particulièrement élevées sur ces contrats (de l'ordre de 50 %) aux dépens des consommateurs. Depuis 2010, plusieurs lois sont venues renforcer la protection et les droits des emprunteurs. Tout d'abord, la loi Lagarde a ouvert la possibilité pour l'emprunteur de refuser le contrat de groupe proposé par sa banque au profit d'une autre assurance prévoyant un niveau de garantie équivalent, ce que l'on appelle la « délégation d'assurance . Puis la loi bancaire de 2013 et la loi Hamon de 2014 ont poursuivi la « déliaison » entre l'organisme prêteur et l'emprunteur. 

« Information insuffisante » 

Malgré ces efforts, force est de constater que les contrats de groupe proposés par les banques représentent encore 88 % du marché, ce qui se traduit par la persistance de marges très élevées, donc par des surcoûts importants pour les consommateurs qui recourent à l'emprunt. Comme l'a souligné l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), chargée du contrôle des pratiques appliquées par les acteurs bancaires dans une recommandation datée du 26 juin 2017, il apparaît en effet que « l'information délivrée à la clientèle sur les conditions permettant de faire usage de ce droit était souvent insuffisante et que certaines modalités de traitement des demandes d'assurance externe ralentissent les démarches des demandeurs voire limitent l'exercice de leur droit . Le maintien d'une situation de rente au détriment des consommateurs est inacceptable. 
C'est la raison pour laquelle la loi du 21 février 2017 a été adoptée. Nous sommes convaincus qu'elle permettra de rééquilibrer la relation entre les consommateurs et les banques, afin de permettre le bon fonctionnement d'un marché concurrentiel; nous sommes en effet convaincus que seul le libre choix de l'assureur permettra aux emprunteurs de bénéficier d'une information complète et de meilleures garanties à des tarifs plus avantageux. 
Cette loi va ainsi satisfaire l'intérêt général en rendant du pouvoir d'achat aux consommateurs; faciliter le recours à l'emprunt aura un effet bénéfique sur la relance de l'économie, notamment en favorisant l'accession à la propriété. Il ne fait aucun doute que les droits nouveaux offerts aux emprunteurs sont juridiquement fondés et moralement justifiés, comme le soulignent de nombreuses associations de protection des consommateurs, lesquelles ont milité pendant près de dix ans en faveur de la fin du monopole bancaire. 
Par ailleurs, la mise en place de l'évolution prévue ne présentera pas de risque systémique pour les banques. Les banques et les assureurs ont eu près d'un an pour se préparer à cette évolution. Toute remise en cause de la loi du 21 février 2017 constituerait une régression particulièrement dommageable. La protection des consommateurs et la préservation de l'ordre public économique doivent pouvoir surpasser les blocages et la défense des rentes corporatistes. 
Même une fois passé le contrôle du Conseil constitutionnel, le chemin pour s'assurer de la bonne application de la loi sera semé de nombreuses embûches. C'est donc à sa mise en oeuvre et non à sa remise en cause que doivent travailler les banquiers et les assureurs.

Note(s) : 
Députés : Eric Alauzet (Doubs, LRM), Dino Cinieri (Loire, LR), Charles de Courson (Marne, UDI), Stéphane Demilly Somme, UDI), Olivier Faure (Seine-et-Marne, PS, président du groupe NG à l'Assemblée nationale),Marietta Karamanli (Sarthe, PS), Jean-Christophe ­Lagarde (Seine-Saint-Denis, UDI), Maurice Leroy (Loir-et-Cher, UDI,ancien ministre), Bertrand ­Pancher (Meuse, UDI), Francis Vercamer (Nord, UDI), Philippe Vigier (Eure-et-Loir, UDI) Sénateurs : Martial Bourquin (Doubs, PS), André Gattolin (Hauts-de-Seine, LRM), Alain Houpert (Côte-d'Or, LR), Pierre Medevielle (Haute-Garonne, UDI), Catherine Procaccia ­(Val-de-Marne, LR), Yannick Vaugrenard (Loire-Atlantique, PS)