DANS LES MÉDIAS

LA GAZETTE DES COMMUNES : "Les Jeux olympiques, cet événement qui redessine l'image des villes"
Vincent Capo-Canellas 07/09/2017

La ville de Paris s'est portée candidate pour l'organiser les JO en 2024. La 12ème biennale des urbanistes a saisi cette occasion pour faire le point sur les expériences des villes hôtes précédentes, et sur les leçons que celles-ci tirent en matière d'urbanisme.

Emmanuelle Picaud Dans deux mois, à Lima, le CIO fera son choix : qui, de Paris ou Los Angeles, accueillera les Jeux Olympiques de 2024 ? La question a de quoi susciter les interrogations des uns et des autres. Car, si pour certains, accueillir un tel événement d'envergure internationale est une aubaine pour la ville, pour d'autres, c'est un risque important à prendre sur le plan financier. 
Profiter de l'aubaine pour se réinventer  Rien qu'au titre de sa candidature, Paris prévoit un budget de 6,2 milliards d'euros pour pouvoir accueillir les JO (voir encadré). Face à de tels montants, la question de la durabilité de tels événements se pose, notamment en faveur des populations locales. Pour autant, si l'accueil de tels événement peut parfois coûter cher à la ville hôte, paradoxalement, il peut aussi lui être profitable sur le plan urbanistique, pour peu que celle-ci fasse preuve d'un peu d'anticipation. Encore faut-il qu'une véritable stratégie de planification urbaine ait été réfléchie en amont.  Certes, l'histoire des JO est remplie de villes qui ont échoué à transformer l'essai - Athènes en étant l'exemple le plus évident, puisque Jacques Rogge, président du CIO, a estimé que les JO de 2004 auraient participé à creuser 2% à 3% de la dette grecque -, mais elle compte aussi des exemples de réussites. Ainsi, depuis l'organisation des JO de 1992, la ville de Barcelone a multiplié le nombre de touriste par 4. « Nous avons ajouté 5 kilomètres de plages au service des citoyens. La ville s'est déployée vers la mer : 10, 4 millions de personnes vont sur ces plages désormais », a témoigné l'économiste Joachim Clusa lors des 12ème biennales européennes des villes et des urbanistes. Pour ce dernier, les JO ont été une véritable aubaine pour la ville, en proie à un déclin économique et financier. « Les JO ont été une excuse pour faire au déficit d'infrastructures », résume-t-il. 40 kilomètres de périphérique, 70 kilomètres d'autoroutes, et 4 200 nouveaux appartements ont ainsi été construits grâce au Jeux.  Définir une ville « à taille humaine »  Parmi les exemples de réussite, on compte aussi celui de la ville allemande de Munich. Organisés en 1972, les Jeux olympiques ont été organisés sur un seul et même site, situé à 10 kilomètres de la ville centre, dans l'Oberwiesenfeld. Les équipements, qui sont toujours fonctionnels à l'heure actuelle, ont été conçus dans un souci d'intégration paysagère. Il est en a été ainsi du toit en forme de tente du stade olympique, qui rappelle les paysages boisés du parc. Johanes Dragomir, urbaniste, n'hésite pas à parler de « résilience » : « sur le plan économique, cela a été très rentable. L'architecture a été de bonne qualité, et nous avons maintenu les bâtiments à un bon niveau », estime-t-il. Preuve en est avec les plus de 9 000 événements que la ville a accueilli dans ce lieu depuis sa construction.  Quant à l'exemple de la ville de Londres, qui a accueilli les JO en 2012, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions des retombées des JO. Toutefois Richard Blyth, du Royal Town Planning Institute, estime que les jeux ont d'ores et déjà laissé quelques héritages. « Nous avons une nouvelle infrastructure de transport, qui dessert 5 millions de résidents. Et le parc olympique de Londres [...] Avant, c'était une zone industrielle, il n'y avait rien », rappelle-t-il. Richard Blyth met cependant en garde ses homologues : dans l'euphorie, attention toutefois à ne pas se laisser trop aller, au risque de créer des « éléphants blancs ». « Dans nos villes, les inégalités se creusent entre ceux qui bénéficient du développement économique, et ceux qui n'en bénéficient pas [...] or, si on ne s'occupe pas des perdants, nos concitoyens ne vont pas nous soutenir », prévient-il.  [caption id="attachment_514542" align="alignnone" width="640"] Vue aérienne du stade Olympique de la ville de Munich, avec son toit en forme de tente.[/caption]  La durabilité, un enjeu de taille  La candidature de Paris, qui propose d'organiser une partie des compétitions olympiques en Seine-Saint-Denis, un des départements les plus pauvres de France, pourrait-elle être en ce sens exemplaire ? A la ville de Saint-Denis, on l'espère en tout cas. La commune s'attend à ce que les JO transforment « l'image » de la commune, et lui redonnent un nouveau souffle.  Paris songe également à réutiliser les équipements sportifs et de transport dans lesquels elle aura investi. Mis à part la construction du centre aquatique de la Plaine commune, 95% des sites qui vont être utilisés seront déjà existants ou temporaires. « Les Jeux permettront d'accélérer la rénovation de nombreux équipements sportifs de proximité, au bénéfice des athlètes et des populations locales après les Jeux », justifie le dossier de candidature. Côté transports, la ville compte sur le futur réseau de métro du Grand Paris express, et notamment sur la toute nouvelle ligne 17 de métro, qui fait tunnel commun avec la Ligne 16 entre les gares Saint-Denis Pleyel et Bourget RER.  Même logique du côté de l'accueil des logements construits pour l'occasion : le village des médias, qui se situera sur la commune de Dugny en Seine-Saint-Denis, doit devenir, à terme, un éco quartier. La collectivité vise un objectif de 1500 logements supplémentaires, en accession libre à 80% pour rééquilibrer le parc social existant (constitué de logements sociaux à plus de 75% ). Pour les élus locaux, accueillir les JO serait « [...] la possibilité de moderniser le parc et d'aménager durablement nos territoires », a déclaré Vincent Capo-Canellas, le sénateur-maire du Bourget au Parisien.  Lille, quand l'échec devient une force  Les nombreux arguments de Paris, qui ne se cache pas de vouloir organiser « les jeux les plus durables de l'Histoire », suffiront-ils à convaincre le CIO ? Pour Thierry Baert, directeur d'études à l'agence d'urbanisme de Lille, peu importe si la ville sera choisie ou pas. L'important, c'est surtout d'avoir entamé une réflexion qui peut ensuite servir à la métropole, mais aussi aux communes limitrophes. En effet, l'urbaniste a participé à la candidature de la métropole lilloise en 2004 au JO : « Lille n'a pas été choisie, mais nous avons gardé une série de dynamiques de développement », juge-t-il. Pour lui, la candidature olympique de Lille a permis d'identifier plusieurs zones prioritaires, comme la destruction de la Gare Saint-Sauveur - sur laquelle devait être construit le village Olympique. Depuis, la ville prépare la réhabilitation de cette friche de 23 ha, qui va accueillir des logements et des bureaux.  Sans compter que cette candidature a aussi permis à Lille de se préparer pour accueillir l'événement « Capitale européenne de la culture » (CEC), dont celle-ci a bénéficié. Un rapport du ministère de la culture démontre que Lille 2004 CEC a eu un impact globalement positif de 2004 à 2006 dans le Nord-Pas-de-Calais. La manifestation a été responsable de 9% d'offres d'emplois supplémentaires en 2005 et 2006, de 7% de créations d'entreprises supplémentaires en 2005 et 2006 (principalement hors industrie et dans le Pas-de-Calais).  Etre réaliste avant tout  La candidature de Paris aux Jeux Olympiques peut donc être à elle seule une chance. A condition de s'adapter en fonction de la taille et de l'envergure de chaque ville hôte. En effet, à l'ère de la mondialisation et de la concurrence entre les métropoles, Lille est peut-être plus proche sur le plan économique d'une ville comme Munich, que de Paris. A chaque ville donc de définir ses propres objectifs quant à l'événement, et surtout ce que celui-ci peut lui apporter sur le plan urbain et économique.