DANS LES MÉDIAS

LES ÉCHOS : "Quatre questions autour de la réduction du nombre de parlementaires"
Vincent Delahaye 04/07/2017

Promise par Emmanuel Macron dans son programme puis au Congrès, la réduction d'un tiers du nombre de parlementaires pourrait être votée dès l'année prochaine.

ETIENNE COMBIER


Réduire d'un tiers le nombre de parlementaires, qu'ils soient députés, sénateurs ou membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE), c'est l'un des objectifs d'Emmanuel Macron concernant les institutions.

Le président français, qui a rappelé cette promesse dans son allocution devant le Congrès le lundi 3 juillet, a dit vouloir renforcer l'efficacité des parlementaires, notamment dans leur capacité de contrôle de l'action gouvernementale.  Mais concrètement, comment faire ? Alors que les parlementaires eux-mêmes ont réagi de façon partagée, certains criant au populisme quand d'autres y voyant plutôt une bonne réforme, l'exécutif devra faire voter un texte à ces mêmes parlementaires. "Les Echos" tente d'y voir plus clair sur ce que peut faire le chef de l'Etat.  Quel instrument législatif utiliser ?  "Techniquement, pour acter une réduction du nombre de parlementaires, il suffit d'une loi organique", décrit Bertrand Mathieu, professeur de Droit public à la Sorbonne et constitutionnaliste. En droit, une loi organique se situe au-dessus d'une loi ordinaire. Dans ce cas précis, comme la loi concerne le fonctionnement du Sénat, ce dernier devra obligatoirement donner son accord.  Cependant, cet accord ne concerne que les articles de la loi qui le concernent, et non ceux des députés. "Le Sénat ne peut pas bloquer ce qui concerne l'élection et le mandat des députés", affirme Jean-Eric Gicquel, professeur de droit public à l'université Rennes 1, également spécialiste en droit constitutionnel.  Une autre spécificité d'une loi organique est qu'elle doit être contrôlée par le Conseil constitutionnel avant son application, quand une loi ordinaire ne l'est que lorsque des parlementaires saisissent le Conseil ou qu'une question prioritaire de constitutionnalité est posée.  Alors que "La République en Marche" (LREM) dispose de la majorité absolue à l'Assemblée nationale, l'issue de cette loi semble scellée. Mais elle pourrait ne concerner que l'Assemblée et le CESE, tandis que le Sénat pourrait bloquer et continuer d'avoir son nombre de sénateurs.  Mais le vote de cette loi ne sera pas nécessairement la fin du processus. "En un an, nous pouvons décider sur le plan législatif et se réserver une année pour préparer les prochaines circonscriptions électorales", estime le sénateur UDI Vincent Delahaye, auteur d'une précédente proposition de loi organique pour réduire le nombre de parlementaires en 2014. Cette proposition n'avait pas été portée jusqu'à un vote mais comportait les mêmes objectifs que ceux avancés par Emmanuel Macron.  Le référendum pourra-t-il être organisé ?  Depuis la révision constitutionnelle de 2008, le président de la République "peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics", dispose l'article 11 de la Constitution. "Le Parlement étant un pouvoir public, son nombre de membres peut être considéré comme de l'organisation", juge Jean-Eric Gicquel.  En cas de désaccord de l'Assemblée nationale ou du Sénat, Emmanuel Macron pourra donc facilement organiser le scrutin, du moins du point de vue juridique.  Si cette loi est votée, quand sera-t-elle appliquée ?  "Par définition, cette nouvelle situation s'appliquera pour les prochaines élections législatives, en 2022", estime Bertrand Mathieu. "Cette loi n'aura pas d'effet rétro-actif, l'actuelle législature décidera pour la prochaine", confirme Jean-Eric Gicquel. Et ce malgré le renouvellement de la moitié des sénateurs en septembre prochain, donc beaucoup trop tôt pour que le travail législatif soit accompli.  Cependant, cette loi pourrait servir de moyen de pression sur l'Assemblée nationale. "Une fois cette loi adoptée, Emmanuel Macron peut menacer de dissoudre l'Assemblée. Alors qu'ils savent qu'un tiers d'entre eux perdront mécaniquement leur place, les députés ne souhaiteront pas revenir devant les électeurs", estime Bertrand Mathieu.  Y a-t-il eu des précédents ?  Depuis 1958 et l'instauration de la Vème République, le nombre de parlementaires n'a baissé qu'une seule fois, en 1962. Cette année-là, l'Assemblée nationale voit son nombre de députés passer de 579 à 482. L'explication est simple : l'Assemblée voit disparaître ses représentants de l'Algérie et du Sahara. Depuis, son nombre n'a fait qu'être augmenté jusqu'en 1986 pour atteindre 577.  Du côté du Sénat, le chiffre a varié de 301 en 1958 à 348 aujourd'hui. Un chiffre qui ne peut plus être augmenté. Et pour cause : "depuis la révision constitutionnelle de 2008, le nombre de parlementaires est inscrit dans la Constitution, comme un plafond", rappelle Jean-François Kerléo, maître de conférences en Droit public à Lyon 3.