DANS LES MÉDIAS

Public Sénat: "Allocations : Ça ne me choque pas de faire payer les plus riches!"
Chantal Jouanno 03/06/2013

Jean-Marc Ayrault a annoncé une baisse du quotient familial, censée rapporter 1,1 milliard d'euros d'économies dès 2014. « Ça aurait été plus clair et plus sain de toucher aux allocations familiales », affirme la sénatrice UDI de Paris et ex-ministre Chantal Jouanno, qui dénonce « l’hypocrisie » de l’exécutif. « On bricole encore une fois la politique familiale, sans s’adapter aux réalités nouvelles », affirme l’ex-ministre. Entretien.

La baisse du plafond du quotient familial de 2.000 à 1.500 euros va-t-elle dans le bon sens ?   C’est une décision budgétaire, pas une décision de reforme de la politique familiale. Elle vise à limiter le déficit public. Quand on touche au quotient, on ne touche en rien au budget de la caisse d’allocation familiale. C’est une décision d’augmentation des impôts. Ce n’est pas la première fois qu’on touche au quotient. C’est une politique de petites touches qui n’est pas nouvelle. Ça ne me choque pas du tout que les plus aisés touchent moins. Ce n’est pas du tout choquant. A la limite, ça aurait été plus clair et plus sain de toucher aux allocations. Dire qu’on ne touche pas au principe d’universalité est un gros mensonge. C’est totalement hypocrite. La société a changé. Que les plus riches touchent peu ou pas d’allocations, tout le monde ou presque est prêt à l’entendre. Mais là, ce n’est qu’une hausse d’impôts, point à la ligne. Ils n’ont rien assumé jusqu’au bout.   Que préconisez-vous ?   La réforme de la politique familiale pourrait aller beaucoup plus loin : qu’on verse les allocations dès le premier enfant et au-delà de trois enfant, autant les limiter voir les supprimer. Ce serait une vraie réforme. Il faut avoir du courage pour le faire. Ce système de petits coups de rabot hypocrites, ce n’est pas une réforme de la politique familiale.   Pensez-vous que le gouvernement a voulu éviter un nouveau front politique, les communistes et une partie de la droite étant opposés à une modulation des allocations familiales, et éviter de se voir reprocher d’attaquer la politique famille ?   Mais il attaque quand même la politique famille de fait. C’est une forme d’hypocrisie. Ça n’arrangera en rien le déficit de la branche famille. Le problème, c’est la question de la majoration de retraite pour les personnes qui ont eu trois enfants ou plus. Ça coute 3 ou 4 milliards d’euros à la caisse d’allocation. Ça coute cher. On ne peut pas le remettre en cause du jour au lendemain. Le vrai enjeu pour la politique familiale aujourd’hui, ce sont les familles monoparentales. Dans les propositions du gouvernement, il y a un petit bout sur cela, mais c’est mineur. On bricole encore une fois la politique familiale, sans s’adapter aux réalités nouvelles.   La prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) sera divisée par deux au-delà d’un certain seuil. Dénoncez-vous aussi cette mesure ?   C’est la même logique. Ce ne sont que des décisions budgétaires. En soi, ça ne me choque pas de faire payer les plus riches. Je fais partie des familles aisées. Ce n’est pas parce que j’ai des allocations que j’ai fait des enfants.   Les opposants à une modulation des allocations en fonction du revenu pointent la fin du principe d’universalité qu’elle entraîne. Comprenez-vous cet argument ?   C’est totalement hypocrite. Quand on réduit le quotient, on touche au principe d’universalité. Ce qui compte le plus aujourd’hui dans la politique familiale, c’est l’école, sa qualité et sa gratuité, la garde des enfants et le prélèvement des pensions alimentaires à la source.   Jean-Marc Ayrault a annoncé la création de 275.000 nouvelles solutions d’accueil sur 5 ans, dont 100.000 en crèches. Une bonne décision ?   C’est la continuité de la politique précédente. Je revois Nadine Morano annoncer une politique à peu près pareil. Ça va dans le bon sens. On manque tellement de places en crèche. Il y a des choses bonnes, comme l’ouverture de la scolarisation au plus jeune âge, ça c’est très bien. Il faut aussi se pencher sur la question des modes de garde avec horaires décalés. Et il faut qu’on s’attaque un peu plus à la question des familles monoparentales. Il y a une petite annonce sur le sujet, mais c’est tout.