Discours au Congrès de Versailles de François Zocchetto, Président du groupe UDI-UC, Sénateur de la Mayenne
Messieurs les Présidents,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et messieurs les membres du gouvernement,
Mesdames et messieurs les députés, mes chers collègues,
En janvier dernier, la communauté nationale dans son ensemble avait été durement touchée Mais vendredi dernier, l’horreur a changé de vecteur. Elle ne visait plus seulement des symboles, elle visait la jeunesse dans sa diversité, elle visait le quotidien des Français. Elle voulait nous toucher au cœur.
Je pense aux victimes, françaises et étrangères, aux blessés, à leurs familles, à leurs amis, aux témoins de ces atrocités.
Je pense à ceux qui continueront à souffrir de ces attaques, dans leur chair et dans leur âme, pendant toute leur vie.
Je souhaite rendre hommage aux forces de l’ordre, aux personnels hospitaliers, ansi qu’à toutes celles et à tous ceux qui bénévolement, anonymement, ont tendu leur main pour secourir leurs concitoyens.
Je souhaite également saluer ces travailleurs de l’ombre, dont je suis certain qu’au cours des mois écoulés, ils nous ont épargné d’autres drames. Ne les oublions pas.
Face à la barbarie, la République doit demeurer forte.
Jamais la France depuis la Seconde guerre mondiale n’a subi une telle attaque. Car oui, les évènements du 13 novembre ne sont pas que des attentats. Ce sont des actes de guerre.
L’objectif des terroristes est clair : ils souhaitent nous faire souffrir, bouleverser nos habitudes pour nous faire, finalement, perdre la raison. Ils souhaitent nous opposer les uns aux autres, nous pousser à renier nos valeurs pour nous rabaisser à leur niveau.
La République doit rester unie. Elle doit poursuivre et châtier ses assaillants. Pour cela, nous devons être lucides, méthodiques et déterminés.
Soyons lucides : nous sommes engagés dans une guerre d’une nature particulière. Ces fanatiques n’envisagent que deux options : nous asservir ou nous tuer. Leur détermination est absolue. La mort n’est pas pour eux un sacrifice. De ce fait, c’est une guerre spéciale qui s’engage car il ne pourra y avoir de compromis, Monsieur le Premier ministre.
Soyons lucides quant à la nature et la force de notre ennemi. Ne le sous-estimons pas. Il occupe militairement un large territoire. Ses dizaines de milliers d’hommes y soumettent les populations. Les volontaires affluent, mués par le fanatisme religieux, par l’aigreur, par l’ignorance. Il maîtrise tous les outils techniques et médiatiques, comme il maîtrise très bien l’exacerbation des flux financiers à son profit.
Nous devons aussi agir avec méthode.Nous sommes mobilisés sur notre sol et à l’extérieur. La France ne sera pas en paix tant que ces fanatiques trouveront refuge en Syrie, en Irak ou ailleurs.Le monde s’est couvert des couleurs de notre drapeau depuis vendredi. La société internationale nous écoute. Bien que les Etats-Unis n’aient pas encore pris toutes leurs responsabilités, des solutions multilatérales existent. Nous pouvons également demander une action collective dans le cadre des Nations-Unies et je me félicite que le Président de la République se soit exprimé sur ce point tout à l’heure.
Toutefois, quelle que soit la forme de notre intervention, nous ne pourrons agir exclusivement par la voie aérienne. Depuis plus d’un an en Irak et depuis quatre mois en Syrie, force est de reconnaître que nos frappes n’ont pas eu l’effet escompté. Pour vaincre, nous allons devoir infléchir nos positions diplomatiques. Nous devrons trouver de nouveaux partenaires pour intervenir au sol. Je pense aux Kurdes, à l’Iran, à la Turquie mais aussi à la Russie, sans oublier l’Etat syrien.
Bashar el Assad a une large responsabilité dans la situation dramatique de la Syrie. C’est une évidence. Toutefois, nous ne pouvons plus faire de la question de son sort personnel le préalable à la consolidation de la coalition. Les circonstances nous imposent de hiérarchiser les monstres et dans le classement de la barbarie, Daesh est notre ennemi absolu.
Il convient également de lever certaines ambiguïtés dans les relations que nous entretenons avec des Pays du Golfe ; et il n’est pas possible non plus qu’eux-mêmes demeurent plus longtemps dans l’ambiguïté.
Dans l’immédiat, nous devons combattre l’infiltration sur notre sol de djihadistes étrangers, combattre sans concession la radicalisation et prendre, au-delà de ces causes immédiates, le mal à la racine. Depuis janvier dernier, la situation s’est encore détériorée : les tensions augmentent, le communautarisme se renforce. J’ai à cet instant une pensée forte pour les élus locaux qui luttent contre ces phénomènes au quotidien, et qui tous, en tant que garants du vivre ensemble, font face aux inquiétudes de nos concitoyens.
Les apprentis terroristes français, qui apprennent très vite, sont aussi le produit de l’échec de nos politiques et de nos lâchetés depuis plusieurs décennies.
Il faut regarder la réalité en face : notre modèle a failli et cet échec porte la destinée de terroristes qui sont nés en France. Nous devons comprendre pourquoi des Français se sont abandonnés à nier les valeurs de la République.
Il en découlera des politiques publiques de longue haleine, caractérisées par moins de renoncements, de relativisme et de naïveté. Il faudra, bien sûr des décennies pour changer à nouveau la face de notre société. Ce chemin passe en particulier par la culture et l’éducation lesquelles ne sont pas par hasard les grandes ennemies des barbares qui nous assaillent.
Pour gagner cette guerre, nous devons être déterminés. Notre combat, il faut le savoir, aura un coût humain et financier, le Président de la République en a dit quelques mots à cette tribune et ce coût bousculera malheureusement quelques-unes de nos traditions.
Même si personne ne le souhaite, il y aura hélas d’autres attentats, sinon en France – mais cela peut arriver- du moins dans d’autres pays. Je crains que la litanie des pays touchés ne fasse que s’allonger : Mali, Nigéria, Tunisie, Egypte, Russie, Turquie et Liban, pour ne pas parler de l’Afghanistan, de l’Irak ou de la Syrie frappés au quotidien. Tous les projets d’attentats ne pourront probablement pas être déjoués à temps. Il y aura peut-être d’autres victimes. Engagés sur plusieurs fronts, certains de nos soldats ne reviendront pas. Il faut s’y préparer.
Cette guerre aura une implication financière, car si ce combat est réellement une priorité, et il ne peut que l’être, il faudra accepter que d’autres politiques publiques soient moins prioritaires. Ce qui fera inévitablement grincer des dents. Soyons-en conscients.
Nous devons concilier cette guerre avec nos idéaux : ce sera l’enjeu des prochains mois.
Mais nous ne pouvons plus tolérer que des milliers d’individus fanatisés soient libres de répandre leur venin dans la société. Le premier des Droits de l’Homme et du Citoyen, c’est la sureté et la sécurité. C’est notre devoir de parlementaire que de le garantir à nos concitoyens.
Nous devons interpeller et isoler ces terroristes, si besoin dans un cadre légal exceptionnel. Monsieur le Premier ministre, nous soutenons les mesures que vous annoncez concernant l’état d’urgence. Vis-à-vis de ceux qui nous menacent et nous haïssent, il ne s’agit plus d’être seulement dans la réaction. C’est à nous de prendre l’initiative, de bousculer leurs organisations, leurs projets, leurs réseaux. Jusqu’à maintenant, la vie a été trop facile pour eux. Ils profitent des garanties d’un Etat de Droit qu’ils veulent eux-mêmes anéantir.
Je pense que nous devons également protéger nos concitoyens de confession musulmane des prêcheurs radicaux qui mettent des dizaines de mosquées au ban de la République. La laïcité n’est pas un slogan. C’est un combat. Il faut expulser de notre territoire les imams intégristes étrangers qui distillent leur message de haine et de mort.
Enfin, nous avons besoin d’une meilleure coordination de la communauté du renseignement et de la police dans le cadre européen, cela a déjà été dit. Il est indispensable que, s’agissant du repérage des profils, nous puissions croiser un certain nombre d’informations. Il faudra en débattre rapidement, avec la CNIL en particulier.
Enfin, la question de l’avenir de Schengen est évidemment posée. Nous avons besoin d’adapter le mécanisme, là encore de façon urgente, aux circonstances nouvelles. Schengen a été imaginé dans un autre monde ; aujourd’hui, il faut le repenser totalement.
L’unité nationale, à laquelle nous sommes tous attachés en ces heures difficiles, nous impose d’être à la hauteur de ce que nos concitoyens attendent de nous, que nous soyons représentants du législatif ou membres de l’exécutif. C’est bien notre responsabilité qui est en cause aujourd’hui, mais c’est aussi notre existence qui est en jeu.