Les propositions de loi

Affaires étrangères et coopération
12/02/2014

«Proposition de loi relative à l՚accueil et à la prise en charge des mineurs isolés étrangers: Explication de vote sur l՚ensemble»

M. Jean Arthuis

Je voudrais à mon tour exprimer ma satisfaction et remercier Mme la garde des sceaux, le rapporteur de la commission des lois et tous ceux qui ont participé à la discussion générale. Mes chers collègues, nous avons tous reconnu que nous nous trouvions face à un problème qui se pose en des termes toujours plus aigus, et qui suscite beaucoup d’incompréhension. On a cité la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, je voudrais rappeler que son l’article XV précise que la société est en droit de demander à tout agent public de rendre compte de son administration. C’est bien la question qui se pose ici : qu’il s’agisse du Gouvernement ou des responsables de l’aide sociale à l’enfance, nous devons rendre compte de notre administration et constater que, face à l’afflux croissant de mineurs isolés étrangers, les réponses que nous apportons sont insatisfaisantes. Naturellement, on peut évoquer des considérations financières. Mais, encore une fois, je voudrais dire que, dans l’esprit des auteurs de cette proposition de loi, il ne s’agit pas de faire une opération favorable aux finances des conseils généraux. Ce qu’il leur en coûte aujourd’hui pour accueillir des mineurs isolés étrangers doit être demain restitué à l’État si ce dernier assume cette mission de solidarité nationale. Que cela soit bien clair ! Il ne s’agit pas non plus de pratiquer une discrimination entre les mineurs isolés étrangers et les mineurs issus des familles de nos territoires qui nous sont confiés par décision de justice parce qu’elles sont jugées incapables – au moins momentanément – d’assurer la sécurité et l’éducation de ces jeunes. Or, madame la garde des sceaux, en édictant la circulaire du 31 mai 2013, vous avez vous-même opéré une distinction entre les mineurs isolés étrangers et les autres mineurs pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. Alors, ne formulons pas d’accusation ni de soupçons : nous nous trouvons simplement face à un problème qu’il nous appartient de régler avec humanité, tout en respectant, bien sûr, nos engagements internationaux. Mes chers collègues, je voudrais vous rendre attentifs à l’exaspération de nos collaborateurs chargés de l’aide sociale à l’enfance. D’une part, de plus en plus de jeunes leur sont confiés, en raison de la précarité des familles, conséquence de la situation économique et sociale. D’autre part, leur mission première, c’est l’éducation. Nos travailleurs sociaux n’ont pas été préparés à comprendre un jeune arrivant d’Érythrée ou d’Afrique subsaharienne et qui ne parle pas notre langue ni à évaluer leur âge. Encore une fois, nombre d’entre eux sont majeurs. J’ai fait appel de douze décisions du tribunal de grande instance de Laval, et la cour d’appel a fait droit à notre requête dans huit cas parce que les papiers étaient faux, parce qu’il s’agissait d’adultes… Ces appels justifieraient peut-être que le conseil général se retourne contre l’État et porte plainte contre des individus qui ont présenté de faux papiers et raconté des histoires qui sont des fables. Soyons conscients que, par ces décisions de justice, le conseil général a supporté indûment des frais d’accueil, et qu’il serait fondé à en demander le remboursement à l’État. Voilà jusqu’où l’on pourrait aller si l’on voulait vraiment faire du juridisme ! Encore une fois, nous nous trouvons face à un problème majeur, et nous devons y apporter, avec humanité, une réponse réaliste, financièrement soutenable. Car c’est l’action éducative des services d’aide sociale à l’enfance qui est en cause. Je veux vous dire le travail formidable qu’accomplissent nos collaborateurs. D’un dévouement exemplaire, ils se mobilisent à toute heure du jour et de la nuit et les fins de semaine – y compris le dimanche – pour faire face à des situations parfaitement imprévues. Soyons donc à leur écoute, et apportons à nos législations les mesures correctives indispensables. Naturellement, la tentation de la procrastination est toujours très forte : remettons à demain ce que nous devrions faire dès aujourd’hui ! Alors, j’entends bien que des rendez-vous sont prévus autour du 15 avril prochain. J’entends aussi que le Fonds de financement de la protection de l’enfance sera sans doute doté. Mais je ne sais pas par quel moyen… Hier soir, le Premier président de la Cour des comptes nous rendait attentifs au fait que le Gouvernement ne pourrait pas tenir ses objectifs de déficit public, parce que les recettes ne seraient pas à la hauteur des prévisions tandis que les dépenses leur seraient en revanche supérieures, et que, dans ces conditions, le déficit de 2013 dépasserait ce qu’avait imaginé le Gouvernement, et il en irait de même pour la prévision de déficit 2014. J’attire votre attention sur toutes ces considérations et souhaite que, par nos votes, nous puissions introduire des éléments de navette, ce qui, monsieur le rapporteur, ne portera aucunement préjudice au rendez-vous du 15 avril prochain. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et sur plusieurs travées de l’UMP.)